Récit d’une rencontre inspirante

Patricia Bérubé

Figure importante et pourtant discrète du marché de l’art contemporain à Montréal, Émilie Grandmont Bérubé[i] est co-propriétaire et directrice de la galerie Trois Points qui occupe l’espace 520 dans le Belgo, en plein cœur de Montréal. Par ailleurs, depuis 2013, elle est la présidente du conseil d’administration de l’Association des galeries d’art contemporain (AGAC), en plus de siéger sur le Board of Directors de l’Art Dealers Association of Canada. J’ai eu le plaisir de passer un moment en sa compagnie pour discuter de son parcours professionnel et de la galerie. Récit d’une rencontre inspirante.

2-galerietroispoints_emilie_patricia_berube

Émilie Grandmont Bérubé
Photo : Patricia Bérubé

 P : Peux-tu me parler brièvement de ton parcours académique ?

É : Après un baccalauréat en littérature ainsi qu’un baccalauréat en histoire de l’art, j’ai entamé une maîtrise en histoire de l’art. J’ai ensuite choisi de remettre ce projet à plus tard et de travailler dans le milieu. Ensuite, au moment où nous avons repris la galerie, j’ai commencé un DESS en gestion d’organismes culturels au HEC. Étant déjà très occupée avec le travail à la galerie Trois Points, je n’ai pas eu le temps de poursuivre ce programme.

P : Pourquoi avoir choisi de travailler à la direction d’une galerie d’art contemporain plutôt que dans un musée ?

É : J’ai su saisir les opportunités qui se sont présentées à moi, ce qui m’a rapidement propulsée dans le milieu du marché de l’art contemporain. Je n’ai aucun regret car je trouve que ce travail est très formateur!

 P : Avec tes fonctions de directrice de la Galerie Trois Points, quels sont les défis que tu rencontres au quotidien ?

É : Le principal défi auquel je suis confrontée est de conjuguer les attentes et les contraintes des artistes à celles du marché. Il faut savoir saisir le bon moment pour mettre de l’avant ces artistes tout en leur laissant assez de latitude pour créer des œuvres sans interférence. Pour moi, il est primordial de prendre un engagement à long terme avec eux. D’autre part, il faut concilier avec de nombreuses contraintes de vente. En tant que galeriste d’art contemporain, il faut sans cesse innover afin d’être à l’avant-garde du milieu et de se démarquer des autres galeries.

P : Quels aspects de ton travail te plaisent particulièrement et lesquels te plaisent moins?

É : Si je pouvais passer mes journées entières dans les ateliers des artistes je serais extrêmement heureuse! J’adore raconter l’histoire des artistes et de leurs œuvres à travers les expositions que je présente ici. D’un autre côté, je dois avouer que j’aime un peu moins toute les charges administratives qui m’incombent. Ma boîte de courriels est un véritable gouffre sans fond ! Ça prouve l’importance de savoir s’entourer d’une bonne équipe, compte tenu de la complexité de la gestion d’une galerie d’art.

P : Comment choisis-tu les artistes ou les expositions pour la galerie ? Quelle est ta ligne directrice lorsque vient le moment de prendre ces décisions ?

É : Le travail des artistes doit me plaire, mais il est aussi important qu’ils me plaisent également en tant qu’individus. Je privilégie énormément ce rapport humain et je crois que la Galerie Trois Points dégage une atmosphère très familiale dans ses relations avec les artistes. Nous choisissons des artistes professionnels et nous évaluons leurs portfolios ainsi que leurs curriculums vitae.

 

3galerietroispoints_salle2_patricia_berube

Photo : Patricia Bérubé

P : Comment t’es-tu retrouvée à la présidence du conseil d’administration de l’Association des galeries d’art Contemporain ?

É : Je suis impliquée dans le conseil d’administration depuis 2009, moment où j’ai repris la galerie. J’ai occupé divers postes d’abord comme secrétaire, puis comme vice-présidente, avant de devenir présidente en 2013.

P : Selon toi, quelle est l’importance de ton implication avec ton rôle à l’AGAC conjointement à ton travail de directrice de galerie d’art contemporain ?

É : Mon rôle de Présidente du conseil d’administration est très complémentaire avec mes fonctions de directrice de galerie d’art. Personnellement, je pense qu’il est très important de s’impliquer dans le milieu culturel montréalais. Depuis les cinq dernières années, l’AGAC est devenue une référence dans le monde des arts visuels puisqu’elle rassemble un grand nombre de galeries tant du Québec que de partout au Canada. Nous sommes beaucoup plus forts ensemble que seuls chacun de notre côté. L’AGAC permet de faire avancer les choses en termes de financement et de reconnaissance pour le milieu culturel d’ici.

P : Nous nous sommes croisées au début du mois de mars à la foire Volta, dans le cadre de la New York Art Week, à laquelle la Galerie Trois Points participait. Qu’est-ce qui vous a mené à prendre part à cette prestigieuse foire d’art contemporain?

É : En fait, Volta est une foire sur invitation seulement et c’est la deuxième année que nous avons la chance d’y être conviés. Chaque galerie a la possibilité de présenter un artiste et, cette année, nous avons choisi Natalie Reis dont nous exposions les œuvres à Montréal au même moment. Dans le cadre d’un évènement d’une telle envergure, les décisions doivent se prendre très longtemps à l’avance. Ainsi, dès l’automne, nous devons présenter la candidature d’un artiste qui représentera notre galerie à New York.

P : Quelles sont les retombées économiques de cette participation à Volta pour l’artiste et pour la Galerie Trois Points ?

É : C’est évident que le but premier de cette participation est de vendre des œuvres à New York. En participant à une foire d’une telle ampleur, on crée un genre de buzz autour de l’artiste que l’on présente et il s’agit d’un formidable tremplin pour sa réputation.

5galerietroispoints_volta_patricia_berube

La galerie Trois Points et le travail de Natalie Reis à VOLTA
Photo : Patricia Bérubé

Bien qu’elle soit une femme très occupée, Émilie, par sa passion et son enthousiasme contagieux, sait se montrer généreuse de son temps. Son parcours témoigne de l’importance du travail sur le terrain, qui peut parfois être aussi formateur que bien des cours formels.

Loin du discours misérabiliste des gens qui conseillent aux artistes de se trouver une « vraie job », Émilie incarne tout le dynamisme d’une industrie aussi passionnante que méconnue.

Galerie Trois Points
372 rue Sainte-Catherine Ouest, Espace 520
Métro Place-des-Arts
Mardi – vendredi : 10 h à 18 h, samedi : 12 h à 17 h

 


[i] Aucun lien de parenté avec l’auteure de ces lignes.

Publicité