Habitez les murs avec Art Bang Bang. Comment louer, prêter et vendre son art : une gestion indépendante des artistes
Par Johanne Marchand
Capture d’écran du site web Art Bang Bang. Droits réservés à l’équipe d’Art Bang Bang
« Rencontrez directement ceux qui aiment votre art. »
« Envahissons les murs vides, une toile à la fois. »
Ces deux citations, provenant directement du site d’Art Bang Bang, illustrent le défi lancé par le duo composé de l’artiste Frédérique Marseille[i] et du programmeur Bassem LHM, qui a lancé la plateforme officiellement en septembre dernier. Comme tout artiste, Frédérique voulait voir ses réalisations exposées et être vues par des amateurs d’art. De plus, elle voulait trouver un domicile temporaire pour ses œuvres, qui commençaient à occuper beaucoup d’espace dans son appartement. Ainsi a germé l’idée d’une plateforme regroupant des œuvres d’artistes émergents, pour que ces derniers puissent gagner en visibilité et pour permettre aux gens d’avoir chez eux des œuvres d’art inusitées, qui se démarquaient des productions décoratives en vente dans les grands magasins. C’est donc en 2013 que Frédérique Marseille a mis en ligne un site web du nom de Prêt d’art. Les gens devaient, en premier lieu, sélectionner les œuvres qu’ils désiraient. Par la suite, ils passaient des commandes de prêts, voire même des propositions d’achats. En échange du prêt des œuvres, les nouveaux propriétaires devaient les prendre en photo et les partager sur les réseaux sociaux.
Œuvre dans le domicile d’heureux emprunteurs. Crédits : équipe d’Art Bang Bang
Offrir un outil aux artistes avec Art Bang Bang
Depuis les succès de sa page Facebook et Prêt d’art, Frédérique Marseille a cocréé Art Bang Bang avec son collègue et programmeur Bassem LHM et a fait appel à une designer graphique, Sarah Migos, pour développer le site web. Cette nouvelle page permet aux artistes de s’inscrire et se créer un profil gratuitement et d’y ajouter des photos de leurs œuvres pour les prêter ou les vendre auprès d’un public amateur d’art. De cette manière, les œuvres peuvent être vues et prises en photo par leurs propriétaires temporaires qui les partagent ensuite sur les réseaux sociaux. Art Bang Bang a été conçu pour aider les artistes d’horizons multiples à se faire voir, à gérer leurs commandes et avoir un suivi de leurs productions grâce à la plateforme. Pour Marseille, ce site web sert non seulement d’instrument de visibilité, mais aussi d’un véhicule qui peut être utilisé par les artistes. Le prêt d’art permet également d’exposer les œuvres et de créer un contact direct entre le créateur et son public potentiel.
Vidéo promotionnelle d’Art Bang Bang. Crédits : équipe d’Art Bang Bang
Le parcours de l’artiste Frédérique Marseille et sa vision du projet
Avant de lancer ce site web, Frédérique Marseille a complété des études collégiales en arts plastiques au Cégep du Vieux-Montréal et a ensuite débuté un baccalauréat en histoire de l’art en 2010 à l’Université de Montréal, programme qu’elle a interrompu en 2013 pour se dédier à Prêt d’art. Elle a donc effectué un virage académique en troquant son baccalauréat pour une majeure, afin de se consacrer entièrement à son projet, qui allait devenir Art Bang Bang. Depuis six ans, elle est guide touristique pour des voyages aux États-Unis, où elle partage l’histoire et la culture du pays à de nombreux touristes québécois. Ayant elle-même une pratique artistique, l’idée d’un tel instrument de visibilité pour les artistes lui est venue en observant l’utilisation du web dans le domaine de la musique, par exemple, où les groupes émergents partagent leur musique, profitant des médias sociaux pour élargir leur public et les fidéliser jusqu’à la salle de concert. C’est sur le principe de désacralisation de l’art que Marseille et Bassem ont bâti le projet, permettant ainsi aux artistes de se rapprocher de leur public et ainsi rendre l’art accessible à tous. Dans la même veine que le site de diffusion de musique indépendante Bandcamp, Art Bang Bang mise sur la relation de proximité entre l’artiste et son public. Ce concept fait partie de la nouvelle tendance de l’artiste-entrepreneur, qui doit maintenant développer des œuvres à la fois pour acquérir une reconnaissance du milieu et pour sa propre communauté.
Frédérique Marseille et Bassem. Crédits : Frédérique Marseille
L’artiste-entrepreneur : savoir utiliser ses ressources
Effectivement, les travailleurs culturels, les artistes et les entrepreneurs du milieu des arts et la culture doivent développer de nouveaux moyens de visibilité[ii] afin de se trouver des clients et d’offrir leurs services. Ceci démontre que l’artiste doit non seulement gérer ses propres contrats, afin de valoriser le plus possible son travail, mais doit aussi trouver des outils accessibles et les joindre à ses tâches quotidiennes pour se faire connaître. C’est pour ces raisons que l’on assiste à une transformation du statut de l’artiste vers celui d’artiste-entrepreneur. L’art et la culture sont de moins en moins subventionnés et la place de l’artiste a connu un changement au sein de la société actuelle. L’artiste doit non seulement se consacrer à la production et au développement de sa démarche, mais aussi développer de nouveaux outils et s’occuper de la mise en marché de sa production. De plus, il doit se mobiliser sur divers projets collaboratifs pour aller rejoindre directement son public[iii]. Art Bang Bang utilise les technologies actuelles pour satisfaire le besoin de visibilité pour les œuvres d’artistes émergents. Bénéficiant déjà d’une bonne réception de la part du public, Marseille espère que le projet va amener les artistes à se rapprocher de leur communauté et à réaliser des commandes personnalisées. Elle espère bientôt organiser des expositions éphémères et des soirées de réseautage.
Pour participer en tant qu’amateur d’art à l’expérience Art Bang Bang, il faut s’y inscrire afin de commander ses œuvres préférées. De nos jours, la volonté de devenir propriétaire d’une maison est courante, mais être propriétaire d’une œuvre d’art originale et rencontrer son créateur s’avérer une expérience unique.
https://www.artbangbang.com/
www.twitter.com/artbangbang
https://www.facebook.com/pretdart
Entrevue de Frédérique Marseille à MaTV:
http://matv.ca/montreal/mes-emissions/montrealite/videos/3341005761001.
[i] Johanne Marchand, Entrevue avec l’artiste Frédérique Marseille, enregistrement MP3, octobre 2014, 1h14min.
[ii] Voie d’investissement de Sainte-Marie, Rapport de consolidation de communauté culturel par la Voie d’investissement de Sainte-Marie, Montréal, 8 août 2011, 23 pages.
[iii] Smart société, L’artiste, un entrepreneur, Ottawa, Les impressions nouvelles, coll. Hors collection, novembre 2011, 408 pages.