Par Patricia Bérubé
Située au cœur du célèbre quartier du Marais à Paris, la galerie BY CHATEL Selected Fine Arts occupe le rez-de-chaussée d’un immeuble datant du début du XVIIIème siècle et charme immédiatement le visiteur par son ambiance intimiste. Fort de ses expériences professionnelles antérieures, monsieur Bernard Yves Chatel dirige l’établissement en accordant une attention particulière à la sélection des artistes et à la planification de ses expositions. Impressionnée par son parcours atypique, j’ai eu envie d’en savoir un peu plus. J’ai donc eu le plaisir de réaliser une entrevue avec lui durant laquelle nous avons discuté de ses débuts en tant que galeriste à Paris.
Crédits : Patricia Bérubé
P : Pourriez-vous m’expliquer brièvement votre parcours académique et professionnel ?
B : J’ai commencé par des études universitaires à Lyon, à l’Institut d’Administration des Entreprises, avant de m’installer à Londres pour y effectuer ma maîtrise en « Business Studies » dans le cadre d’ERASMUS. Par la suite, j’ai fait un Mastère en gestion de projet à l’École Supérieure de Commerce de Rouen. J’ai ensuite démarré ma vie professionnelle dans l’industrie en tant que directeur de contrats export puis en direction de filiale à Singapour. Pakistan, Norvège, Singapour, Inde etc, un monde de voyages pendant une période de plus de 20 ans.
P : Comment en vient-on à passer d’un poste de directeur stratégique à l’ouverture d’une galerie d’art? La transition s’est-elle faite sans embûche?
B : J’avais envie de passer à autre chose dans ma vie professionnelle, ce que certains appellent à juste titre, ou non d’ailleurs, la « midlife crisis »! Aspiration personnelle, j’ai donc commencé par prendre un congé sabbatique de 6 mois pour me laisser le temps de bâtir mon projet. Ayant déjà réalisé quelques expositions d’artistes dans des espaces éphémères entre la France et Singapour, j’ai naturellement pris la décision de créer ma société, début 2014. À la faveur de quelques amis, j’ai pu disposer de ce bel espace tout à côté de la sublime place des Vosges et j’ai donc ouvert ma galerie en juin de cette année. La transition s’est effectuée à la fois de manière rapide et progressive.
Espace de travail
Crédits : Patricia Bérubé
P : D’où vous vient votre passion pour l’art?
B : À travers ma famille, mes amis, j’ai toujours aimé fureter dans les salles de vente, les musées, fréquenter des artistes ou des collectionneurs en France comme en Asie. Ce contexte m’a permis de développer mes goûts personnels depuis mon plus jeune âge et je crois que cela n’a fait qu’accroître la passion que j’éprouve actuellement pour l’art contemporain sous toutes ses facettes. Une curiosité de tous les instants et le goût des autres pour saisir, comprendre chaque démarche, création, émotion.
P : Qu’est-ce qui vous motive le plus dans ce nouveau métier ?
B : Le plaisir de ce métier c’est d’abord et avant tout le plaisir des rencontres. Artistes en devenir ou confirmés, mais également les visiteurs qui viennent à la galerie. Le monde de l’art est si injuste parfois face au talent de certains artistes. Le Marais est un endroit magique pour cela, puisqu’on y trouve le monde entier dans une promenade à la fois culturelle et touristique. Mes collectionneurs viennent du monde entier et les échanges sont passionnants.
Pastel par Christelle Labourgarde, exposition Murmures
Crédits : Patricia Bérubé
P : Comment décririez-vous le marché de l’art parisien?
B : Je considère que le marché de l’art contemporain se trouve présentement à un moment charnière avec l’explosion d’artistes internationaux extrêmement jeunes et, comparativement, un faible nombre d’artistes français qui émergent sur la scène. Les artistes français doivent donc se déplacer pour obtenir la reconnaissance qui leur est due, et pour cela certains de mes amis artistes sont allés jusqu’à s’installer entre New York et Berlin.
P : Qu’est-ce qui différencie votre galerie des autres présentes dans ce quartier?
B : Avec ma galerie je prends en quelque sorte le contrepied de la tendance actuelle en présentant des artistes issus d’un parcours quelques fois plus classique, mais ayant évolué avec détermination et logique, des coups de cœur pour moi. J’attache beaucoup d’importance à la mise en scène, l’information et l’éclairage afin de créer une ambiance intimiste propice à l’échange dans cet espace.
Mobile K1-13 par Christel Sadde, exposition Murmures
Crédits : Patricia Bérubé
P : Quels sont vos objectifs pour l’année 2015 ?
B : Je prévois de participer à quelques foires d’art contemporain en Europe, tout en consolidant l’implantation de la galerie. Je pense également aller à Singapour ou Hong Kong, villes où j’ai gardé tant d’attaches et qui constituent des plaques tournantes de l’art contemporain.
P : Quelle est la prochaine exposition prévue ?
B : La prochaine expo, 10 sur 10, sera présentée à partir du 25 novembre et rassemblera dix artistes travaillant chacun dans des disciplines différentes : photo, bronze, peinture, mobile, luminaire, céramique, porcelaine. Cette sélection artistique éclectique collera bien à l’ambiance de fin d’année et des fêtes, le tout basé sur un vrai savoir-faire.
Pastels par Christelle Labourgarde, exposition Murmures
Crédits : Patricia Bérubé
P : Êtes-vous satisfait de votre décision de tout plaquer pour l’art ?
B : Oui ! Je n’ai aucun regret, l’investissement en temps est considérable et les débuts sont prometteurs. Il y a une citation d’Aristote que j’aime particulièrement et qui s’applique bien à ce que je vis en ce moment : « L’art est la joie des hommes libres ». Je le suis et tente de faire partager au plus grand nombre cette passion. Des amis me manquent … et d’autres m’encouragent dans ma démarche. Je crois que chacun a un rêve secret qu’il sera ou non capable d’accomplir durant sa vie. Je suis heureux d’avoir fait ce choix d’une nouvelle vie et les connections avec ma première vie sont bien plus nombreuses que vous ne pourriez l’imaginer.
P : Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui désire ouvrir une galerie d’art ?
B : En toute modestie, je lui dirais simplement de suivre sa voie, son instinct, de bâtir un réel projet. Il faut savoir écouter les conseils des amis autour de soi, mais également être en mesure de faire la juste part des choses puisque certains n’hésiteront pas à vous décourager dans vos projets, syndrome français bien connu !
Incarnant parfaitement le cadre supérieur accompli qui prend la courageuse décision de tout lâcher pour mieux se retrouver dans un nouveau projet professionnel, monsieur Chatel déborde de passion pour cette nouvelle carrière qu’il embrasse en toute humilité. Cette approche chaleureuse et ce regard pétillant avec lequel il accueille ses visiteurs contribuent à faire de la visite de cette galerie un moment inoubliable et qui nous rappelle qu’il ne faut jamais cesser de croire en ses rêves.
Pingback: Blog publications (2014-2016) – Patricia Bérubé