La photographie jusqu’au bout du monde

Bannière : Monde parallèle, pour la série Urban Reflects, présentée à Singapour
Crédits : Florence Notté

Par Patricia Bérubé

Photographe autodidacte depuis une quinzaine d’année, Florence Notté s’inspire ouvertement du cubisme, de l’abstraction et du Land Art. Ces dernières années, l’artiste cumule les mentions et les prix soulignant l’originalité de son travail. Récipiendaire du Premier prix de la Créativité de la Fédération française de photographie en 2013 et du Premier prix du Jury de la Biennale des photographes Paris XV en 2012, Florence nourrit une réelle passion pour son métier. Voici un résumé de ma rencontre avec cette femme exceptionnelle.

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Florence Notté
Crédits : A. Vozza

P : Que faisiez-vous avant de devenir photographe et comment vous êtes-vous reconvertie vers ce nouveau métier ?

F : En fait, au départ il n’y a pas d’école de photographie, puisque j’étais d’abord enseignante auprès d’infirmes moteurs cérébraux. Au bout de dix-sept ans, étant passée dans l’enseignement classique, j’ai choisi de me réorienter en prenant le risque de m’arrêter et de me lancer corps et âme dans la photo, en commençant par des stages pratiques. J’ai joint un club photo, ce qui m’a rapidement permis d’aiguiser mon regard. Je suis continuellement des workshops, entre autres via la Fédération française de photographie. Je suis très intéressée par tout ce qui est travail d’auteur et des séries pouvant parfois s’étaler sur plusieurs années.

P : Aviez-vous un autre intérêt pour l’art avant d’avoir le coup de foudre pour la photographie ?

F : Si ! J’avais un intérêt pour tous les types d’art. Je m’étais essayée au croquis, en prenant des cours du soir à la Grande Chaumière. J’ai aussi beaucoup fusionné avec le modelage et j’ai suivi des cours à l’école Henri IV, sur la montagne Sainte-Geneviève. Parallèlement, la peinture a toujours fait partie de ma vie, avec une mère peintre amateur et un grand-père aquarelliste. Bien que je n’aie personnellement jamais expérimenté ce médium, c’est quelque chose que je garde constamment en tête lorsque je prends des photos. En isolant certains détails de mes clichés, je parviens à faire des parallèles avec des tableaux des nouveaux réalistes, par exemple.

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D’après Rothko, série « Regards croisés »
Crédits : Florence Notté

P : En quoi les voyages ou le fait de vivre ailleurs permettent-ils de nourrir cette passion ?

F : En fait, au début je réalisais surtout des photographies en noir et blanc. Suite à mes voyages en Asie et ma découverte de l’Inde, j’ai basculé, jusqu’à devenir photographe coloriste. Il y a vraiment eu un apport au niveau des couleurs et je m’en suis beaucoup nourrie, voire presque gavée à un moment. Suite à cela, je suis retournée vers quelque chose de plus simple et généralement, j’essaie d’avoir au maximum deux couleurs dominantes dans mes clichés. Je veux véhiculer un message, et je pense que ce minimalisme en renforce l’impact.

P : Ayant exposé à Paris, Singapour et aux États-Unis, quelle est selon vous l’importance d’être représentée à l’international ?

F : Pour moi, je trouve ça très intéressant d’être représentée à l’international et je suis très contente d’avoir signé avec la galerie Art+Shanghai (à Shanghai). Je trouve que cela est essentiel, car la photo, c’est avant tout une émotion : à partir du moment où on décide de la montrer, c’est pour la faire partager. Or, les sensibilités ne sont pas les mêmes dans tous les pays. Les Japonais, par exemple, sont très sensibles à l’art et au travail artistique. Pour l’instant, je n’ai pas d’agent et j’avoue que les demandes arrivent un peu toutes seules. D’ailleurs, j’ai un peu honte, je ne suis même pas sur Facebook !

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Kaléidoscope
Crédits : Florence Notté

P : Comment décririez-vous la compétition dans le milieu de la photo ?

F : Elle est de plus en plus rude, sauf que maintenant je trouve que très souvent ce n’est plus de la photo, mais plutôt de l’imagerie. C’est-à-dire qu’on est vraiment dans des espèces de falsifications sous prétexte de faire rêver les gens. La frontière est donc un peu floue entre le photographe et l’artiste maîtrisant bien les logiciels numériques. Je pense qu’il faut un bon produit de base, mais je trouve qu’il y a une limite à vouloir tout modifier. Je crois qu’il y aura prochainement un retour vers l’argentique pour contrebalancer tous ces clichés idéalisés.

P : Croyez-vous qu’il soit encore possible de vivre exclusivement de son art en tant que photographe aujourd’hui ?

F : C’est compliqué. Je pense que c’est effectivement possible si on est seul, mais il est impossible de faire vivre une famille de cinq avec cette seule vocation professionnelle. En discutant avec des amis photographes, je constate que j’ai beaucoup de chance puisque je parviens toujours à couvrir mes frais d’exposition. À l’heure actuelle, les sponsors les couvrent dès le départ. Il est plus facile de trouver des commanditaires à l’étranger, où la crise est moins sensible. Il y a également des mécènes qui se penchent sur mes clichés et m’aident en me prêtant, par exemple, des espaces d’exposition.

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Melody en sous-sol, exposée à la Biennale d’architecture et de design
Crédits : Florence Notté

P : Comment faites-vous pour trouver des endroits où exposer ?

F : J’en suis au point où on me propose de participer à des expositions. J’ai commencé tout petit au départ, en faisant des portes ouvertes dans mon atelier d’artiste. Mes quatre années passées à Singapour m’ont en quelque sorte servi de tremplin, puisque tous les événements se sont rapidement succédé à partir de ce moment. En fait, mes expositions sont le résultat de beaucoup de bouche à oreille et de rencontres.

P : Vous avez reçu de nombreux prix et distinctions depuis 2013. Qu’est-ce qui vous distingue en tant que photographe ?

F : Si je me réfère à ce que m’ont dit plusieurs personnes, il y a visiblement une sensibilité dans ma photographie qui les touche et je pense que c’est surtout dû à cela puisque je ne suis pas hyper technique. Aussi, généralement, quand je monte une exposition, je vois cela comme un travail abouti et je mets mon point d’honneur à présenter quelque chose de très bien ficelé. Les gens sont de plus en plus difficiles à mobiliser et, au-delà de la promotion ou de la communication, il est important qu’ils aient envie de venir voir l’exposition.

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Effraction Artistique, présentée par la Galerie Art+Shanghai
Crédits : Florence Notté

P : Numérique ou argentique ?

F : Je dirais que cela n’a pas beaucoup d’importance pour moi parce que j’ai introduit le numérique dans mon travail à partir de ma résidence à Singapour. L’humidité m’empêchait de bien conserver mes négatifs. Néanmoins, même munie de mon appareil photo numérique, je me mets quasiment les mêmes contraintes qu’en argentique. Je n’ai pas envie de retoucher ou modifier tous mes clichés; j’ai envie de capter le cadeau qui s’offre à moi. Il faut savoir saisir la bonne lumière et le bon moment.

P : Quelle est la photo qui vous touche le plus ?

F : C’est très bizarre, car j’ai très souvent pensé à ma photo signature et il s’avère que ce n’est ni une photo de série montrée en exposition, ni une des photos qui a le plus plu aux gens. En fait, il s’agit d’une photographie que j’ai prise pour un magazine à Singapour dans une ferme d’élevage de poissons, parce que les Chinois sont très fanatiques des poissons. C’est une photo que j’ai faite en format carré, où on trouve à la fois la matière du plastique transparent, et tous les reflets de ce plastique avec un unique petit poisson coincé dans sa bulle. Le résultat est très graphique, extrêmement épuré et en même temps ça représente beaucoup pour moi puisque je cultive le rêve de vivre suffisamment de ma photo pour pouvoir soutenir ouvertement la cause de la condition animale.

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Petit poisson deviendra grand?
Crédits : Florence Notté

Poursuivant une recherche minimaliste en adéquation avec l’œuvre inspirante de ses peintres préférés, le travail de Florence Notté éveille toute une gamme d’émotions chez le spectateur. Peu intéressée par la représentation de scènes de vie, elle se concentre sur l’élaboration d’un langage centré autour des lignes et des couleurs. Véritable passion pour elle, Florence admet qu’elle ne fait pas de la photographie, mais qu’elle la vit constamment, y pensant nuit et jour. Chapeau à cette femme qui sait vivre sa passion à cent à l’heure.

Pour suivre les projets de Notté en France et ailleurs, suivez-la sur son site web, au :  http://www.florencenotte.com

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