Mathieu Grenier : quand le support devient l’œuvre

Par Catherine Lafranchise

Pour sa première exposition solo, Mathieu Grenier repousse les limites du dispositif. Présentée jusqu’au 21 mars à Arprim, cette dernière montre une toute nouvelle série, poursuivant ainsi les recherches de l’artiste amorcées entres autres lors de l’exposition de groupe Peinture extrême, Cadrer le tout[i], présentée à la Galerie Trois Points à l’été 2013.

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Vue de l’installation à Arprim
Crédits : Mathieu Grenier

Primauté du support

Dans sa démarche, Mathieu Grenier déjoue les dispositifs de l’œuvre d’art traditionnelle et questionne la place laissée au support. Ainsi, l’artiste photographie les différents papiers avant qu’ils ne soient altérés par le geste artistique. Grenier joue donc sur cette notion de primauté du support pour amener le spectateur à réfléchir sur l’importance de la surface en tant que matière. De ce fait, en laissant la matière devenir l’œuvre, il questionne l’œuvre et son contenu.

Puis, Grenier montre les possibilités infinies liées au support et laisse place à l’imagination du spectateur pour qu’il remplisse à sa guise la surface de l’œuvre. Si le syndrome de la page blanche a de quoi en terrifier plusieurs, ici, l’artiste lui fait un affront. Il redonne ses lettres de noblesse au papier en le libérant de sa fonction de dispositif.

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Détail Sans titre (Tokuatsu), 2014
Crédits : Mathieu Grenier

Quand le support devient œuvre

Avec cette nouvelle installation, Grenier expose six photographies détaillant la surface de divers papiers. En les documentant dénués de la trace de l’artiste, il créé une série d’œuvres qui se jouent de la fonction première du dispositif. La matière devient alors la surface finale, celle que l’on peut admirer.

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Détail Sans titre (Arches Aquarelle) (2014)
Crédits : Mathieu Grenier

De cette façon, l’installation déstabilise puisque le regard du visiteur doit fouiller la surface afin de trouver un référent direct à l’élément photographié. L’œuvre appelle donc à la contemplation car le regard s’y perd aisément avant de trouver des indices sur le support photographié ainsi présenté. Lorsque l’œil arrive à identifier l’écriture embossée du papier Arches, on se sent presque rassuré car on peut se rattacher à un élément tangible et reconnaissable de la matière photographiée. Même chose lorsque l’on perçoit un froissement du papier, comme dans l’œuvre Sans titre (Nishinuchi Sabu Roku Ban).

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Détail Sans titre (Nishinuchi Sabu Roku Ban), 2014
Crédits : Mathieu Grenier

Encore une fois, Mathieu Grenier fait preuve de génie et repense l’œuvre et son dispositif. En questionnant ainsi le support, base de toute œuvre picturale, il en arrive à proposer un nouveau discours sur l’importance de la matière. Ses œuvres appellent à la contemplation et méritent que notre regard s’y perde, le temps d’une visite.

Mathieu Grenier
Jusqu’au 21 mars 2015
Arprim
372 rue Ste-Catherine Ouest, espace 426
Métro Place-des-arts
Mercredi – samedi : 12h à 17h
www.mathieugrenier.ca

[i] D’ailleurs, l’exposition s’est vue décerner le prix de la Meilleure exposition de groupe – galerie privée lors du Gala des arts visuels de 2014.

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