Par Catherine Lafranchise
La fin de semaine dernière avait lieu la deuxième édition de MuseomixMTL, au Musée d’art contemporain de Montréal. Basée sur Museomix, un événement réalisé simultanément dans 11 villes situées dans 5 pays, cette édition de Montréal était la première, depuis cinq ans, à avoir lieu dans un musée d’art contemporain. L’événement fût un franc succès.
Portrait réservé
Crédits : Trung Dung Nguyen
MuseomixMTL a rassemblé une cinquantaine de participants provenant de domaines diversifiés tels que le graphisme, la médiation culturelle, les communications, le UX[i], le codage et la scénographie. Les museomixeurs étaient répartis au sein de dix équipes. En seulement trois jours, les équipes devaient arriver à créer un prototype expérimental permettant de repenser l’expérience muséale et l’interaction avec le visiteur grâce à cinq terrains de jeux : la médiation des œuvres technologiques, le musée dans la ville, (RE)montrer l'(im)montrable, au-delà de l’écran et quand le musée est fermé. L’activité débutant le vendredi, le prototype devait être livré pour dimanche à 14h, heure de tombée du projet et heure d’ouverture des salles aux visiteurs.
Portrait réservé
Crédits : Trung Dung Nguyen
Deux prototypes ont particulièrement attiré mon attention. Le premier est Portrait réservé, présenté par l’équipe numéro 1[ii]. Inspiré du thème au-delà de l’écran, l’équipe a voulu pousser plus loin l’insertion de la technologie dans le musée pour décloisonner l’accès au visiteur et lui faire voir du contenu exclusif des réserves du musée. Le principe est simple : il suffit de se placer devant l’écran et d’appuyer sur un bouton pour qu’un scanner balaie notre visage. Ensuite, les couleurs prédominantes de l’image obtenue par le scanner sont comparées avec des œuvres de la collection permanente du musée afin de savoir quelle œuvre possède les mêmes associations de couleurs. Ainsi, le prototype utilise la tendance de l’égoportrait, qu’il associe à la collection du musée afin de questionner la notion du domaine public[iii].
Cette œuvre donne lieu à la discussion, mais aussi à la réflexion et à la recherche puisque l’œuvre associée avec l’image n’est pas forcément affichée sur l’écran, dépendamment de si l’œuvre fait partie du domaine public ou non. Si ce n’est pas le cas, le visiteur est invité à repasser au Musée dans une cinquantaine d’années afin d’avoir la possibilité de contempler l’œuvre qui sera alors libre de droits.
Portrait réservé
Crédits : Trung Dung Nguyen
Non seulement la technologie insérée dans la salle à titre de médiation expérimentale fournit-elle des renseignements supplémentaires sur les œuvres du musée, mais elle permet de réagir en symbiose avec les visiteurs, étant donné que l’image prise à l’aide du scanner diffère à chaque fois. Dans une ère où l’égoportrait prédomine, ce prototype parvient à se démarquer et à capter l’attention du visiteur.
Œuvres en mouvement
Crédits : Trung Dung Nguyen
Ensuite, le prototype de l’équipe numéro 4[iv], Œuvres en mouvement, fait partie de mes coups de cœur. Située juste à côté de la rotonde du rez-de-chaussée, donc juste en bas des escaliers menant aux salles d’expositions, cette installation interactive a su en charmer plusieurs.
En effet, cette dernière illustrait sur grand écran une représentation d’une œuvre de Pierre Heyvaert, faisant partie de l’exposition L’œil et l’esprit, qui s’active lorsque le visiteur danse. En se plaçant juste en face de l’écran, et par le fait même juste devant le capteur kinect[v], les mouvements créés par le visiteur permettent de faire bouger la statue. Le prototype donne donc la chance au visiteur d’incarner l’œuvre et de briser son équilibre précaire en s’appropriant sa structure grâce aux gestes qu’il effectue. L’installation donne un message fort au public et incite à la découverte puisque le visiteur sera vraisemblablement tenté, après son expérimentation, de chercher l’œuvre d’Heyvaert dans les salles afin de la contempler plus en profondeur.
Vue d’exposition d’une des salles de L’œil et l’esprit montrant l’œuvre d’Heyvaert
Crédits : Trung Dung Nguyen
Finalement, ces deux prototypes s’insèrent aisément dans n’importe quel type de musée et sont encore plus à propos dans un musée d’art contemporain, puisque les œuvres qui s’y retrouvent ne sont pas forcément figuratives. Au cours des prochaines semaines, il serait intéressant de voir ces prototypes aménagés, peut-être de manière permanente, dans les salles du MACM. À suivre…
[i] UX est l’abréviation pour user experience, qui sert entres autres à analyser le comportement des humains vis-à-vis l’utilisation de technologie.
[ii] L’équipe numéro 1 était composée d’Aliénor Fernandez, Duc C. Nguyen, Frédérique Corson, Laura Symul, Véronique Boisvert et Claire Paillon à titre de facilitatrice.
[iii] Les archives du musée possèdent plus de 8 000 dossiers d’œuvres et autant de dossiers d’artistes. Cependant, ils ne font pas tous partie du domaine public. C’était le cas de certains portraits utilisés dans le cadre du dispositif de l’équipe numéro 1, puisque les artistes sont toujours vivants.
[iv] L’équipe numéro 4 était composée de Lisette Abadie, Carmen Bossé, Laura Caron, Julie Chaffarod, Mélissa Hébert et Emma Tilquin à titre de facilitatrice.
[v] Un capteur kinect s’active grâce aux mouvements physiques et non à l’aide d’une commande quelconque.