do it Montréal : une exposition ludique & interactive

En bannière: Vue de l’exposition do it Montréal
Crédits : L-P Côté, Galerie de l’UQAM

Par Catherine Lafranchise

Jusqu’au 20 février prochain, la Galerie de l’UQAM accueille l’exposition itinérante d’envergure do it, commissariée par Hans Ulrich Obrist. Présentée pour la première fois à Paris en 1993, l’exposition a depuis circulé dans une trentaine de pays, présentant le travail de plus de 400 artistes. Pour la version montréalaise, c’est Florence-Agathe Dubé-Moreau qui est commissaire. Parmi les instructions écrites au cours des vingt-trois ans d’existence de l’exposition, elle a en a puisé soixante tirées du livre do it : the compendium[i], auxquelles elle a ajouté dix instructions inédites d’artistes marquants de la scène artistique québécoise. Bref, l’exposition, de par son concept, se veut essentiellement ludique et interactive.

Instruction do it de Claire Fontaine
Crédits : L-P Côté, Galerie de l’UQAM

Lors du vernissage le 12 janvier dernier, la galerie était bondée de visiteurs venus tester et expérimenter les directives ainsi données par les artistes. Si les instructions puisées dans le livre proviennent d’artistes à renommée internationale, les œuvres créées à l’aide de ces instructions sont réalisées par l’équipe de la galerie[ii]. Il est donc intéressant de voir comment les concepts d’art éphémère et de reproductibilité des œuvres sont exploités ici. Que comporte l’œuvre dans cette situation ? Serait-ce l’instruction qui l’accompagne ou l’objet réalisé sans avoir touché les mains de l’artiste ? De plus, il faut préciser que le concept do it est accompagné de six règles auxquelles on ne peut déroger, telles que « il n’y a aucune œuvre originale » et « à la fin de chaque exposition […], l’institution d’accueil est tenue de détruire les œuvres, de même que les instructions à partir desquelles elles ont été créées[iii] ». Ainsi, do it remet en question l’essence même des musées et institutions artistiques qui se veulent à la fois un espace de présentation, mais aussi de conservation des œuvres.

De ce fait, le concept d’exposition joue avec la pérennité des œuvres, leur tangibilité et leur durée de vie. Les œuvres présentées ne peuvent vivre que dans l’espace de la galerie, et ce, pour un moment déterminé. De plus, plusieurs des instructions sont interactives et nécessitent l’implication du visiteur pour exister, telle que l’instruction laissée par Sol Lewitt. L’artiste demande au personnel de la galerie de tracer une ligne noire horizontale au centre du mur et requiert des visiteurs qu’ils réalisent en alternance des lignes rouges, jaunes et bleues de part et d’autre de la ligne noire. Ainsi, l’œuvre ne peut exister qu’avec l’interaction du public. Le danger de cette méthode est que le public est libre d’interpréter la consigne comme bon lui semble. Ce faisant, lors du vernissage, j’ai pu constater que, déjà, l’instruction n’avait pas été respectée puisqu’un visiteur a tracé une ligne sans suivre l’alternance de couleurs prédéfinie par Lewitt. Qu’en devient-il alors de l’œuvre ? Peut-on encore la rattacher à la démarche encouragée par l’auteur de l’instruction puisqu’elle ne s’y conforme pas exactement ? Est-ce qu’en laissant au visiteur la liberté d’intervenir en suivant les instructions, la mésinterprétation ne ferait pas partie du concept même ? De plus, lors de ma seconde visite, le mur entier était déjà recouvert de lignes. Comme l’exposition est essentiellement interactive, est-ce que l’œuvre doit cesser d’exister puisqu’elle se veut achevée ?

Instruction do it de Amelia Pica, Throw A Party, interprétée par les personnes présentes au vernissage
Crédits : L-P Côté, Galerie de l’UQAM

De plus, comme mentionné plus haut, l’œuvre est basée sur l’interaction avec le public et le titre est d’ailleurs assez évocateur puisqu’il incite à l’action : fais-le (do it). On pouvait bien sentir cette synergie entre l’œuvre d’art et le public lors du vernissage. Les visiteurs étaient actifs et participaient de façon enthousiaste à la réalisation des instructions affichées. Cependant, lorsque j’ai revisité la galerie quelques jours plus tard, la pièce était presque vide et personne ne semblait résolu à passer à l’action alors que le concept même de l’exposition le suggère fortement. On peut donc se questionner sur la relation que le visiteur crée avec l’espace et le contexte dans lequel celui-ci expérimente l’exposition. Une plus grande occupation de l’espace par les visiteurs aura certainement un effet entraînant alors qu’un achalandage faible pourrait empêcher le visiteur de profiter pleinement de l’expérience. Puisque ce dernier n’est pas habitué, dans ce type d’institution, à participer directement dans la confection et la réalisation des œuvres, une certaine retenue peut freiner l’accomplissement du concept même de l’exposition.

Vue de l’exposition do it Montréal
Crédits : L-P Côté, Galerie de l’UQAM

Finalement, do it Montréal apporte un vent de fraîcheur dans les arts visuels montréalais et évoque son lot de questionnements entourant la question de la pérennité des œuvres, leur reproductibilité et leur unicité, ainsi que la liberté d’interprétation laissée aux visiteurs.

do it Montréal
Jusqu’au 20 février
Galerie de l’UQAM
1400, rue Berri
Métro Berri-UQAM
Mardi – samedi : 12 h à 18 h
https://galerie.uqam.ca/fr/do-it/projet.html

[i]    Livre publié en 2012 pour marquer les vingt ans du projet et rassemblant une sélection de 250 instructions d’artistes.
[ii]   Les œuvres nécessitant des installations sont assemblées par le personnel de la galerie. Par la suite, les œuvres interactives sont réalisées par les visiteurs.
[iii]  Ces règles se retrouvent dans le carnet rédigé dans le cadre de l’exposition et sur un des murs de la galerie.

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