Par Catherine Lafranchise
Dans les dernières années, le château de Fontainebleau, situé en banlieue de Paris, s’est modernisé et a doté une de ses salles de tablettes numériques à des fins de médiation. Nommée le musée chinois de l’Impératrice, cette salle bénéficie de ce nouveau type de médiation interactive afin de renseigner davantage le visiteur durant sa visite. Dans le texte ci-dessous, je discuterai de ce nouveau dispositif de médiation et des limites imposées par le milieu d’exposition.
Situé au rez-de-chaussée tout près de l’entrée, le musée chinois fut à l’origine un ensemble de pièces instauré en 1863 par l’Impératrice Eugénie et destiné à la détente et aux soirées intimes de la Cour [i]. Ces pièces étaient ornées de collections d’objets d’art provenant de l’Extrême-Orient, plus précisément de Chine et du Siam, ayant toutes été offertes à la Cour dans le cadre d’échanges politiques ou en guise de cadeaux. La collection présentée est donc d’une richesse impressionnante et les pièces où elle est montrée ont chacune une grande histoire à raconter.
Dès que l’on franchit le seuil du musée chinois, la tablette numérique s’active et nous raconte d’emblée l’histoire et l’origine des salles. Ensuite, tout dépendant de la pièce dans laquelle on se situe, le logiciel nous présente les objets les plus remarquables à observer, accompagnés de leur cartel et de l’histoire de leur acquisition. Puisque le musée chinois est en réalité la reconstitution des salons dans leur état au temps de l’Impératrice Eugénie, le musée a fait le choix de ne pas afficher de cartels pour éviter de dénaturer le lieu. C’est la tablette numérique qui remplace ces derniers et qui permet au visiteur de se transporter dans la pièce à sa guise, puisque désormais l’information est accessible du bout de ses doigts.
© Catherine Lafranchise
Un des avantages de cette médiation interactive est l’accès à des photographies des objets ainsi présentés et la possibilité d’agrandir ces images et de voir plus clairement des détails qu’on ne capterait pas forcément à l’œil nu et sous un seul angle. Cependant, comme les pièces sont remplies d’artefacts datant de plusieurs siècles et que le musée tente de restaurer l’ambiance originelle du château, les salles sont faiblement éclairées, ce qui rend l’image perçue sur la tablette parfois plus claire et nette que celle de l’objet tel qu’il nous l’apparaît en personne. La tablette graphique est censée être un supplément à la visite, mais elle en devient presque un substitut selon l’éclairage naturel disponible. On peut donc se questionner sur la médiation offerte puisque parfois, elle ne fait pas seulement l’entremise entre le visiteur et l’objet, mais elle en devient littéralement un substitut.
Ainsi, le statut de la médiation est particulier puisqu’elle ne doit pas dénaturer les salles ou les objets présentés, mais bien fournir des informations complémentaires à la visite. Or, dans un contexte où les salles sont peu éclairées, la tablette devient le seul moyen de profiter pleinement de l’exposition. Dans ce cas-ci, on pourrait presque visiter le musée à distance puisqu’on aurait accès aux mêmes éléments sur la tablette. Bien sûr, celle-ci ne remplace pas l’expérience du visiteur, qui admire ces objets d’art dans le contexte du château, âgé de plusieurs siècles et ayant traversé un grand pan de l’histoire française, mais elle apporte des informations ou points de vue qui ne seraient pas accessibles à l’œil nu. Son utilisation est donc mitigée puisqu’elle agrémente la visite et donne des informations complémentaires pertinentes, mais elle peut parfois substituer la visite en raison du faible éclairage.
© Catherine Lafranchise
Dans un autre ordre d’idée, il faut aussi mentionner que le musée chinois ne fait pas partie du circuit de visite traditionnel du château. Pour y accéder, il faut payer un supplément qui correspond à la location de la tablette numérique. Ce faisant, les visiteurs qui circulent dans les trois salles du musée ont délibérément choisi d’y pénétrer et de vivre l’expérience de médiation numérique. Ainsi, il faut souligner que les salles des étages supérieurs suivent une médiation plus conventionnelle. On peut donc en déduire qu’une partie des visiteurs accédant au musée ont choisi de vivre l’expérience muséale enrichie de médiation interactive, autre que celle proposée ailleurs dans la même institution.
On comprend donc la décision du château de Fontainebleau de vouloir agrémenter les circuits de visites pour donner la possibilité à ses visiteurs de capter un maximum d’informations durant son parcours, et ce, dans un seul et même lieu. Cependant, je me réjouis que ce dispositif de médiation ne soit pas encore instauré dans toutes les salles du château, car vu la richesse et l’opulence de celles-ci, on pourrait facilement passer à côté sans réellement les contempler avec la tablette numérique.
Château de Fontainebleau
Fontainebleau, France
www.chateaudefontainebleau.fr
[i]Selon les informations recueillies dans la brochure d’accueil du musée le 20 février 2016.