REMIX: entre l’histoire de l’art et l’actualité

Par Amy Éloïse Mailloux

En février dernier, je découvrais Mark Jenkins lors d’un mardi culturel TD à l’Arsenal. La semaine dernière, j’ai vu le résultat de plusieurs mois de résidence de l’artiste en visitant l’exposition REMIX. Les moules que j’avais vus à peine remplis cet hiver y sont mis en valeur par des costumes et des contextes particuliers, partant d’une réinvestiture d’oeuvres célèbres de l’histoire de l’art.

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Mark Jenkins, Canadian Gothic, 2016
© Amy Éloïse Mailloux

Des classiques revisités
S’inspirant des toiles célèbres, comme La Pièta de Michel-Ange et American Gothic de Grant Wood, l’Américain utilise des thèmes et références actuelles pour réinterpréter les classiques. Ici, Le Baiser de Gustav Klimt devient The French Kiss: le personnage masculin porte un masque de Gene Simmons, le bassiste du groupe culte Kiss. Malgré ce référent culturel très commercial, inspiré par le mot Kiss, l’artiste respecte les paramètres de l’oeuvre originale en positionnant les personnages comme dans l’oeuvre de 1907-1908 et en revêtant la femme d’une robe dont les motifs rappellent franchement les dorures de Klimt.

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Gustav Klimt, Le Baiser, 1907-08 et Mark Jenkins, The French Kiss, 2016
© Collection du Belvédère, Vienne, Autriche et Arsenal Montréal

Une exposition montréalaise
Réalisés pendant plus de quatre mois de résidence, ce sont environ quarante moules de personnalités du milieu artistique montréalais qui ont été faits. Par exemple, le directeur général de l’Arsenal, Jean-François Bélisle, était le cobaye pour William Tell’s Son of Man. Plusieurs collectionneurs ont été invités à se faire mouler, selon le processus décrit dans mon dernier article sur le sujet.

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Mark Jenkins, William Tell’s Son of Man, 2016
© Arsenal Montréal

Aussi, Jenkins a moulé quelques employées de l’Arsenal, qu’il a réinterprétées en personnages anonymes, visiteurs incongrus de l’exposition. Ainsi, quand on écoute les trois vidéos présentés avant d’entrer dans la salle principale, on se retrouve à côté d’une demoiselle assise par terre… Cet envahissement de l’espace est une spécialité chez Jenkins, qui a d’ailleurs placé deux personnages sur le toit de l’édifice.

Il est prévu que les sculptures soient, pour la plupart, achetées par les collectionneurs qui ont participé aux moulages. Ceux-ci seront donc créés, exposés et collectionnés au sein même de notre ville.

Critique sociale, dérision, ou les deux?
La réutilisation d’oeuvres majeures de l’histoire de l’art associée à des éléments pop culture peut sembler un peu ridiculisante, car elle repousse les fondements de base des oeuvres originales. Toutefois, Jenkins va plus loin, d’abord dans sa méthode et sa personnalisation des oeuvres moulées sur de réelles personnes, et aussi parce que plusieurs de ses sculptures semblent porteuses d’un commentaire social, notamment Papa Bear and Goredilocks, dont l’iconographie soulève un commentaire sur la prostitution juvénile, en réutilisant le visuel de La Pièta, mais aussi en référant au conte de Boucle d’or et les trois ours.

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Mark Jenkins, Papa Bear and Goredilocks, 2016
© Amy Éloïse Mailloux

Mark Jenkins ne cache pas qu’il veut choquer. Généralement, il place ses oeuvres dans l’espace public, promouvant l’accès à l’art, mais créant aussi des situations alarmantes et curieuses[i] . On doit souligner l’aspect ludique de l’exposition REMIX, ainsi que l’originalité de son processus créatif. REMIX est une exposition à voir, d’autant plus qu’elle sera encore bonifiée d’ici le 8 mai, l’artiste étant toujours en résidence à l’Arsenal.

Remix – Mark Jenkins
Jusqu’au 7 mai 2016
Arsenal Montréal
2020, rue William
Métro Georges-Vanier
Mardis Culturels TD (selon la programmation) : 18h – 21h
Mercredi – vendredi : 10 h à 18 h et samedi : 10 h à 17 h

En en-tête: Mark Jenkins, Nipple Switch (détail), 2016
© Arsenal Montréal


[i] Plusieurs exemples sont présentés dans la vidéo Go Figure!, à la page suivante:
http://www.arsenalmontreal.com/fr/expositions/out-of-place-out-of-time/.

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