Par Catherine Lafranchise
Le mois dernier avait lieu le vernissage de la toute nouvelle série de ZEPOL Remember when you used to play with trucks ? au café-bar Aux 4 jeudis, à Gatineau. Dans cette série, l’artiste met de l’avant le corps de la femme et questionne son usage courant en tant que produit commercial.
Remember when you used to play with trucks ?, 2016
Crédits : ZEPOL
Artiste multidisciplinaire et touche-à-tout, ZEPOL a entrepris cette nouvelle série regroupant à la fois des collages et des peintures sous les thèmes du corps et de la consommation. En utilisant des images puisées dans des magazines Playboy et des revues National Geographic datant des années 1980, l’artiste met en scène le corps suggestif et dénudé des femmes dans des compositions hors contextes et provocantes, suggérant l’ironie de la société de consommation. Selon elle, le corps est important dans ses œuvres puisqu’il donne le rythme et le dynamisme à la lecture visuelle grâce à ses lignes, ses courbes et leur positionnement. D’ailleurs, en m’entretenant avec l’artiste[i] , celle-ci m’a avoué que le corps était devenu son sujet de prédilection par le plus grand des hasards, lorsqu’on lui a offert récemment la collection de revues Playboy.
xxx/lbs et Fragile pine, 2015
Crédits : ZEPOL
Commercialisation du corps
ZEPOL prend des images de la société de consommation pour la dénoncer à travers ses propres codes visuels. En puisant les images de ses collages dans des magazines, elle isole ces photographies, que l’on a l’habitude de regarder en chaîne, pour démontrer le ridicule de leurs mises en scènes. Bien au-delà de la simple contestation féministe, l’artiste prend position et dénigre la commercialisation que l’on fait de la femme dans les médias de masse. Si le slogan « Sex Sales » est un motto[ii] dans le domaine de la publicité et incite fortement à la sexualisation des campagnes publicitaire par le biais du corps féminin, dans les œuvres de ZEPOL, on retrouve plutôt des corps qui sont dépourvus de ces codes de représentations.
Bonnie’s field, 2015
Crédits : ZEPOL
Pour atténuer la connotation sexuelle de corps, elle les dispose avec des éléments hétéroclites. Elle ne veut surtout pas glorifier la sexualisation de la femme, même si ces images ont été puisées dans des revues à caractère érotique. Ce faisant, elle insère dans ses collages des mots liés aux produits commerciaux tels que « Fragile, handle with care », « One size fits all » et « best before » pour faire réfléchir le visiteur autour de cette problématique d’hypersexualisation.
Thank you Instagram, 2015
Crédits : ZEPOL
Au-delà du corps
Cependant, si ses œuvres sont en apparence dénonciatrices de l’objectification du corps de la femme dans notre société, notre lecture de l’œuvre ne doit pas s’arrêter là. En effet, ZEPOL créé des images visuellement intéressantes en misant sur la composition des lignes et l’harmonie des couleurs. C’est dans cette optique qu’elle a transposé quelques compositions, réalisées à la base sous forme de collage, en peinture pour éviter que l’on se freine aux simples corps dénudés des protagonistes de ses œuvres. D’ailleurs, l’œuvre Milk maker s’inscrit en plein dans cette démarche puisque la vulgarité liée à la pose suggestive du corps est atténuée lorsque transposée en peinture. L’artiste affirme que lorsque l’on lit la peinture on ne s’arrête pas simplement à l’image provocante d’un corps nu dans une position suggestive et, donc, on prend le temps de l’analyser et de la contempler dans son entièreté. Ainsi, le corps vecteur de message dans le collage regagne sa sensibilité et sa complexité avec le médium de la peinture.
Milk maker, 2015 (version collage et peinture)
Crédits : ZEPOL
En utilisant une imagerie visuelle crue et colorée, ZEPOL nous fait réfléchir sur le corps de la femme et sur sa présence constante dans les médias de masse. Son esthétique léchée et ses compositions harmonieuses facilitent la lecture et la compréhension de ses œuvres, peu importe le médium utilisé. Nul ne peut rester passif devant ces dernières en raison de leur caractère dénonciateur.
Ce faisant, grâce à des images tirées de l’imagerie populaire, ZEPOL parvient à questionner l’utilisation constante du corps en tant qu’outil de commercialisation et presque en tant qu’objet de consommation. Si la présente exposition rassemble une dizaine d’œuvres, l’artiste travaille encore cette série et continue ses recherches dans le même thème. Espérons simplement que la prochaine exposition aura lieu très bientôt, car la suite s’annonce très prometteuse.
www.artbangbang.com/ZEPOL
Instagram : zepolrock
Le numéro 25 d’Ex_situ porte entièrement sur le Corps. Nous vous invitons à vous procurer une copie de la revue lors de notre lancement, ce jeudi 5 mai.
Catherine a aussi écrit sur l’aspect engagé de la pratique de ZEPOL en juillet 2015. Lisez-le ici.
ZEPOL a aussi figuré comme artiste FOCUS dans le numéro papier 23 d’Ex_situ, portant sur la Transdisciplinarité. Vous pouvez consulter la revue en ligne, ici.
[i]Entrevue réalisée avec Marie-Pier Lopes le 13 avril 2016.
[ii]Une devise, un guide, un idéal.