Par Catherine Lafranchise
Depuis le 26 mai dernier, l’exposition Eleganza – La mode italienne de 1945 à aujourd’hui, provenant du Victoria & Albert Museum (V & A) de Londres, prend place dans l’enceinte du Musée McCord. Faisant une rétrospective de la mode italienne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à nos jours, l’exposition nous en met plein la vue avec des pièces d’une grande virtuosité technique.
Eleganza est séparée en sections, correspondant à des époques distinctes de la mode italienne. Passant de l’après-guerre aux années hollywoodiennes puis aux années 1970-80, l’exposition se veut une rétrospective abrégée du savoir-faire italien en ce qui concerne la mode. Des tenues sont présentées dans les vitrines et sont un clin d’œil rapide à la mode italienne, autant au niveau des couleurs que des textiles et des formes.
Vue d’exposition de la section hollywoodienne
© Marilyn Aitken, Musée McCord
Ce que j’ai particulièrement apprécié d’Eleganza, c’est qu’elle ne montre pas que des pièces provenant des maisons de haute couture connues mondialement telles que Gucci, Versace ou Prada, mais elle rend aussi hommage au savoir-faire local, qui ne s’est pas forcément exporté hors du pays ou qui n’a pas été poursuivi après la mort d’un designer, comme les cas de Grimaldi, Simonella et Schubert.
La technique avant tout
Si la mode italienne est connue pour sa fluidité et ses matières de grande qualité, il ne faut pas passer sous le silence le haut niveau de technicité présent dans chaque vêtement. Même si le visiteur ne peut que contempler les morceaux exposés, un œil averti aura tantôt vu que l’assemblage des pièces et les finitions des coutures sont impeccables.
Robe de soirée à paillettes et manteau en soie Mila Schon. Portée et offerte par la princesse Stanislas Radziwill. Portée au Bal noir et blanc de Truman Capote, 1966
© Victoria and Albert Museum, Londres
Un manteau créé par Pucci, exposé dans la salle des années 1970-1980, démontre le summum de cette virtuosité technique. Fait de vison rasé et teint avec une multitude de couleurs voyantes, la pièce est gorgée d’empiècements tantôt carrés, tantôt ronds, et les motifs et les couleurs s’y alternent pour créer un manteau de fourrure unique. À première vue, on pourrait simplement penser que le motif est une impression apposée directement sur le tissu, mais on est détrompé par le patron qui fût utilisé dans sa confection, présenté à l’arrière du manteau.
Un seul bémol : même si la pièce est tout simplement admirable et que l’on pourrait facilement passer plusieurs heures à contempler l’immensité du travail accompli pour un seul vêtement, sa virtuosité peut vite passer inaperçue si on se contente de circuler rapidement devant la vitrine. Comme l’espace disponible au McCord est probablement réduit comparativement à celui du V & A, la présentation du manteau a été condensée. Ainsi, le prototype en papier qui l’accompagnait dans l’exposition originale a dû être retiré de l’exposition à Montréal, certainement en raison de l’endroit restreint disponible et de par sa nature fragile.
Scénographie inspirée
La pièce qui a le plus retenu mon attention fut la dernière de l’exposition. En effet, dans cette salle présentant la mode italienne d’aujourd’hui, la scénographie en met plein la vue en recréant une passerelle de défilé de mode. Les plateformes sont placées en forme de T et des chaises sont disposées de part et d’autre de la bande centrale, permettant d’admirer aussi longtemps que possible les morceaux uniques. La pièce est très lumineuse et puisque les vêtements ne sont pas dans des vitrines, il est possible d’avoir une vue complète du dos et du devant.
Vue d’exposition de la dernière salle
© Marilyn Aitken, Musée McCord
À la tête de la passerelle, on retrouve un immense écran télé montrant à la fois des flashs de caméras, pour recréer l’ambiance des défilés de mode, des images grossies détaillant minutieusement les pièces, ainsi que des visages de ce qui semble être des mannequins. Ces dites images de mannequins sont, selon moi, de trop et viennent briser le rythme de la projection puisqu’elles ne sont pas rattachées à un vêtement quelconque.
Les limites de la scénographie
Si l’exposition est bien rythmée à chacune des sections, il n’en reste que les plafonds des salles du Musée McCord sont assez bas, ce qui affecte considérablement les possibilités d’éclairage sur les tenues. La section « tailleurs » est un bon exemple de ces limites, puisque l’éclairage de cette section peinte de couleur foncée est sombre et insuffisant pour admirer adéquatement les vêtements.
Vue d’exposition sur la section tailleurs
© Marilyn Aitken, Musée McCord
De surcroît, plusieurs morceaux nécessitent d’être exposés dans des vitrines en raison de leur grande fragilité et ces dernières empêchent la visibilité des détails ou l’étendue de la vue, puisque l’éclairage est disposé à l’extérieur et reflète par endroit dans les vitres.
Une exposition rafraîchissante
Si la scénographie n’est pas utilisée à son plein potentiel dans le cadre de l’exposition, les pièces exposées valent le détour. Les fanatiques de mode y auront la chance d’être à proximité de grandes marques de renom italiennes et de contempler pendant des heures les détails de chaque tenue.
Vue d’exposition
© Marilyn Aitken, Musée McCord
L’histoire rattachée à la mode italienne est fascinante et l’exposition présente en simultané des vidéos complémentaires intéressants expliquant, par exemple, les quatre régions italiennes les plus importantes dans l’industrie de la mode et leur particularité technique. Ainsi, Eleganza est décidément l’exposition estivale à ne pas manquer.
Eleganza — la mode italienne de 1945 à aujourd’hui
Jusqu’au 25 septembre
Musée McCord
690, rue Sherbrooke Ouest
Métro McGill
Lundi — mardi : 10 h à 18 h, mercredi — jeudi : 10 h à 21 h, vendredi : 10 h à 18 h, samedi — dimanche : 10 h à 17 h
Crédits de l’image d’en-tête : Sfilata (défilé) à Sala Bianca, 1955, Archivio Giorgini.
© G.M. Fadigati. Archive Giorgini, Florence.