Redécouvrir Toulouse-Lautrec

Toulouse-Lautrec affiche la Belle Époque, du 18 juin au 30 octobre 2016 au Musée des beaux-arts de Montréal

Par Violette Loget

Rochechouart, c’était mon quartier pendant mes années à la Sorbonne, et quand l’été s’en vient, j’ai la nostalgie des foules en shorts, caméras au cou, collectionneuses de cartes postales d’Aristide Bruant aux Ambassadeurs (Toulouse-Lautrec, 1892) et du Chat Noir (Théophile Alexandre Steinlen, 1896), qui tentent de capter l’effervescence de la Belle Époque en arpentant religieusement la Butte du Moulin Rouge au Moulin de la Galette. Montmartre me manquait, alors je suis allée voir l’exposition Toulouse-Lautrec affiche la Belle Époque.

photo 1 ABruant

Vue d’exposition, les café-concerts
© Violette Loget

Dans l’imaginaire collectif, les affiches de Toulouse-Lautrec incarnent le Paris de la fin du XIXe siècle et c’est avec joie que l’on redécouvre sa courte, mais prolifique carrière (il décède en 1901, à l’âge de 37 ans). Très complète, l’exposition propose un parcours avec la technique lithographique comme fil conducteur. L’accrochage permet d’entrevoir la réflexion picturale de l’artiste, puisqu’au sein de chaque salle des versions différentes des lithographies sont affichées côte à côte : épreuves d’essais, retouches et affiches finales rehaussées de couleurs.

photo 2 La Goulue

Vue d’exposition, visiteur devant La Goulue, 1891
© Violette Loget

Né dans une famille aristocratique du sud de la France, Toulouse-Lautrec hérite d’une maladie dégénérative qui empêchera ses jambes de croitre à l’adolescence. Déjà prédisposé à la peinture, cette condition le conforte dans sa pratique[i].  Doté d’un trait vif, capable de suggérer la silhouette, l’émotion et le mouvement en quelques lignes, il illustre la modernité.

photo 3 Chaine Simpson

Vue d’exposition, l’affiche La Chaîne Simpson, 1896 et la lithographie préliminaire Cycle Michael, 1896
© Violette Loget

Si la photographie est née en 1839, les progrès techniques de la fin du XIXe siècle placardent les images sur les palissades des villes. Outils promotionnels, les lithographies commerciales se développent. Affiches, illustrations, couvertures de revues, Toulouse-Lautrec tire son gagne-pain de ses contrats publicitaires. L’exposition parvient à poser le décor d’un Paris en mutation où les courses hippiques (Le Jockey, 1899) côtoient les courses de vélos (Cycles Michael, 1896), alors que débarquent les premières voitures qui accélèrent le quotidien et crachent des gaz à plein pot (L’automobiliste, 1898). L’Artisan Moderne, 1896, et Le Photographe Sescau, 1896, nous montrent l’essor du secteur commercial, tandis que les plus célèbres albums et affiches mettent en vedette des artistes comme Jane Avril et Yvette Guilbert, que le lithographe fréquentait. Les dessins de Toulouse-Lautrec représentent avec finesse et humour la « ménagerie humaine[ii] », évoquant l’héritage du caricaturiste Honoré Daumier[iii].

photo 4 RothschildVue d’exposition, au centre : Reine de joie, 1892, épreuve d’essai
© Violette Loget

À travers l’œuvre du prolifique dessinateur de Montmartre, l’exposition parvient à nous raconter le Paris de l’époque : celui de la modernité, des faubourgs et des cafés-concerts où se rencontraient toutes les couches sociales et où l’on croisait artistes talentueux et filles de joie. Si les lithographies illustrent d’elles-mêmes le bouillonnement socioculturel et les paradoxes de l’époque, la scénographie, simple et efficace, pose le cadre en multipliant les supports textuels (cartels et portraits de contemporains de l’artiste), en intégrant une trame musicale inspirée des café-concerts, des photographies d’époques, des repères chronologiques ainsi qu’un utile lexique sur les procédés lithographiques, que l’on aurait préféré voir à l’entrée plutôt qu’en fin d’exposition. Le pari est tout de même réussi : l’exposition estivale nous fait voyager. J’en suis sortie avec Les mémoires de Jane Avril sous le bras et la décision prise de me booker un aller-retour express pour Paris.

photo 5 Glossaire de l'estampe

Vue d’exposition, Glossaire de l’estampe
© Violette Loget

 

photo 6 Cabarets

Vue d’exposition, Les cabarets, à droite L’intérieur de chez Bruant : Le Mirliton, 1886-1887, huile sur toile par Louis Anquetin
© Violette Loget

Toulouse-Lautrec affiche la Belle-Époque
Jusqu’au 30 octobre
Musée des beaux-arts de Montréal
1380, rue Sherbrooke Ouest
Métro Guy-Concordia
Mardi : 10 h à 17 h, mercredi : 10 h à 21 h, jeudi — dimanche : 10 h à 17 h


[i] « Quand on pense que je n’aurais jamais été peintre si mes jambes avaient été un peu plus longues » Toulouse-Lautrec, citation murale de l’exposition.
[ii] Octave Uzanne, « Les maîtres de l’estampe et de l’affiche : M.Toulouse-Lautrec », Le Monde Moderne, juin 1899.
[iv] Honoré Daumier (1808-1878) est l’auteur de caricatures de presse lithographiées représentant le quotidien de ses contemporains. Bibliothèque nationale de France, « Daumier L’écriture du lithographe », En ligne, <http://expositions.bnf.fr/daumier&gt;. Consulté le 15 juillet 2016.

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