C LA VIE, exposition virtuelle et réelle de Galerie Galerie

Par Eli Larin

Ce vendredi soir, le 26 août, une nouvelle galerie en ligne, intitulée Galerie Galerie, célébrera le lancement officiel de son espace d’exposition immatériel et de sa première exposition C LA VIE. À cette occasion, des œuvres de l’exposition virtuelle seront exposées chez GHAM & DAFE, une galerie d’Hochelaga-Maisonneuve créée par un collectif d’artistes. Curieuse d’en apprendre plus sur le projet, j’ai eu la chance de rencontrer Sophie Latouche et Marie-Charlotte Castonguay-Harvey, deux des fondatrices de Galerie Galerie, pour parler de l’exposition à venir et du mandat d’exposer de l’art post-internet qu’elles se sont donné.

Cloud (2016), Conan Lai
Conan Lai, Cloud, 2016

Flou définitionnel de l’art post-internet
Le terme post-internet fut créé en 2008 par l’artiste Marisa Olson et cette forme d’art peut être alternativement définie comme de l’« Internet Aware Art [i]». Cet art est créé en réaction à la nouvelle culture web, aujourd’hui grandement déterminée par les nouvelles banalité et ubiquité de l’internet, surtout suivant l’avènement des téléphones intelligents. Comme le note Paule Mackrous dans son récent article sur l’artiste montréalaise post-internet Émilie Gervais, les « définitions de l’art post-internet ne sont pas univoques [ii]», une opinion que partagent Latouche et Castonguay-Harvey. Cette dernière insiste même qu’il s’agit d’un terme en constante redéfinition, offrant conséquemment une grande liberté aux artistes du courant.

Pour Latouche, l’inclusion du nouveau terme dans le mandat de Galerie Galerie leur permet de se distinguer d’autres galeries québécoises comme d’un lieu d’exposition alternatif d’art web. Elles souhaitent présenter des œuvres plus difficiles à exposer en galerie traditionnelle, tels des sites web et des GIF. Il s’agit pour elles d’un effort de légitimisation de ces nouvelles formes d’art qu’elles tentent de faciliter en offrant un espace d’exposition québécois et francophone, en plus de susciter et contribuer à une théorisation du mouvement.

How to Explain Love to a Tape Measure (2016), Anne Eyler
Anne Eyler, How to Explain Love to a Tape Measure, 2016

Défis de légitimisation de l’art post-internet
Spéculant sur les raisons de ce manque de légitimité et de reconnaissance par le circuit de l’art officiel envers les nouvelles œuvres post-internet, Latouche souligne la problématique de la notion d’artiste sur internet. Si l’art post-moderne a été marqué par la « mort de l’auteur [iii]», telle que décrite par Barthes, l’art post-internet est, selon Artie Vierkant, constitué de « lecteurs-auteurs [iv]» qui considèrent tout objet culturel non pas final, mais ouvert aux remixages et réinterprétations par ses lecteurs.

Latouche insiste ainsi que l’on retrouve beaucoup d’œuvres sur internet qui sont publiées sans explication, nous poussant à nous questionner s’il s’agit même d’une œuvre d’art intentionnelle par quelqu’un qui se considère un artiste. De plus, les œuvres clairement identifiées comme art post-internet par des artistes reconnus sont parfois si lourdement constituées d’emprunts à des objets culturels qu’on peut se demander s’il s’agit bien d’œuvres « originales ».

Explore_the_world (2016), Josni Be¦ülanger
Josni Bélanger, Explore_the_world, 2016

Nous pouvons aussi supposer qu’un autre des défis de légitimisation de l’art post-internet est que nous tendons encore à considérer l’espace web comme étant distinct et séparé de notre vie réelle. Castonguay-Harvey insiste qu’il s’agit d’une fausse dualité que la thématique de leur première exposition cherche activement à infirmer. Ainsi, si le lancement et vernissage de vendredi inclut des œuvres physiques des artistes, celles-ci renverront au site web de l’exposition en soulignant leur origine et format web. Vierkant considère qu’il s’agit d’ailleurs d’une particularité de l’art post-internet que de créer des œuvres qui voyagent facilement de l’espace virtuel à réel, sans qu’une plus grande valeur soit attribuée à l’un plus que l’autre.

Un genre de Totem (2016), Roby Provost-Blanchard
Roby Provost-Blanchard, Un genre de Totem, 2016

Exposition, lancement et projets futurs
Le vernissage et lancement AFK, « Away From Keyboard » ou « loin du clavier », sera tout de même la chance pour les fondatrices du projet d’aller à la rencontre de la communauté montréalaise d’art numérique en personne (pour ne pas dire en « vrai »). Elles y présenteront le travail des artistes Anna Eyler, Roby Provost-Blanchard, Conan Lai et Josni Bélanger. Quelques jours avant cet événement, Latouche et Castonguay-Harvey affirmaient avoir déjà la tête pleine de projets futurs, incluant une deuxième exposition en ligne qu’elles espèrent dévoiler en automne.

Vernissage et lancement AFK de l’exposition C LA VIE par Galerie Galerie
Vendredi 26 août, à partir de 18 h
GHAM & DAF
3425, rue Sainte-Catherine Est
Métro Préfontaine ou Joliette
Métro Préfontaine


[i]Thomas Beard, « Interview With Guthrie Lonergan », Rhizome, 26 mars 2008. En ligne.
<https://rhizome.org/editorial/2008/mar/26/interview-with-guthrie-lonergan/&gt;. Consulté le 24 août 2016.
[ii]Paule Mackrous, « Pro-surfing, Remix, Dispositif. Émilie Gervais et l’art postinternet », ETC MEDIA, n° 108, 15 juin-15 octobre 2016, p.39.
[iii]Hal Foster, « Re-Post, (Riposte) », L’Époque, la mode, la morale, la passion, Paris, Centre George Pompidou, 1987, p.465.
[iv]Artie Vierkant, The Image Object Post-Internet, 2010, p.7.

 

 

ELI LARIN | RÉDACTRICE WEB

Eli a complété un DEC en création littéraire, un DEC technique en photographie et une mineure en communication avant de poursuivre sa formation avec une majeure en histoire de l’art à l’UQAM. Elle entame sa première année de la maîtrise en histoire de l’art à Concordia en septembre. Ces différents parcours se rejoignent étonnamment bien à l’intérieur de sa pratique artistique et ses recherches académiques. Ses domaines d’intérêt sont la culture web, la performance du genre féminin dans ce nouvel espace public et les intersections de ces sujets avec l’art contemporain. Ses textes ont été publiés dans la revue Ex_situ et Yiara, et ses photographies dans le magazine Ciel Variable et le blogue d’esse.

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