Par Eli Larin
Faisant suite à mon entrevue du 29 novembre avec Florence-Agathe Dubé-Moreau coordonnatrice, avec Julie Riendeau, de la publication Questionner l’avenir : Réflexions sur la réactualisation de la Biennale de Montréal parue en 2015, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Julie sur la Biennale de Montréal de cette année.
Vue d’installation, au MAC lors de la Biennale 2016 à Montréal
Oeuvres de l’artiste Haegue Yang
© Daniel Roussel
Eli: Quelles sont tes impressions générales de l’édition 2016 de la Biennale de Montréal?
Julie: Cette édition de la Biennale me laisse un peu sur ma faim. Lorsque la thématique a été annoncée, j’avais très hâte de voir le résultat : une exposition organisée autour du titre d’une pièce de théâtre. J’ai tenté de réfléchir à sa signification, en lien avec la thématique précédente : « l’avenir ». J’y ai lu une sorte de prise de position, justement pour cet « avenir », une sorte de volonté de renverser un certain ordre social. La référence littéraire m’a interpelée et plu. La sélection des œuvres au Musée d’art contemporain m’a beaucoup parlé puisqu’il y est beaucoup question de voyeurisme et du regard des images. Je poursuis ces interrogations dans le cadre de mon mémoire et je crois qu’elles sont très contemporaines. Bien que j’aie apprécié la qualité du choix des œuvres, j’avoue avoir eu de la difficulté à concevoir le tout comme une réflexion efficace et surtout, à arrimer la proposition avec la thématique qui, à mon avis, demeure plutôt floue dans son exécution. Durant ma visite, j’ai remarqué que pour chaque pièce, les visiteurs passaient davantage de temps à lire les cartels que de temps à contempler les objets exposés. Cela m’a beaucoup parlé, d’abord concernant le type de public ciblé : le contenu est plutôt théorique, voire hermétique. Dans un tel contexte, c’est-à-dire devant la nécessité de réfléchir au travail des artistes et du commissaire, l’absence du catalogue d’exposition ne passe pas inaperçue.
Vue d’installation, au MAC lors de la Biennale 2016 à Montréal
Œuvres des artistes Nadia Belerique, Isa Genzken et Cady Noland
© Daniel Roussel
Eli: Tu expliques dans ton texte que la biennale de Montréal, « remodelée en tant qu’agent culturel », a délaissé le local pour rejoindre plutôt l’international. Penses-tu que cette édition de la BNL continue d’aller dans ce sens et a-t-elle, selon toi, atteint cet objectif ?
Julie: La mission de la biennale stipule vouloir offrir une plateforme internationale pour les artistes d’ici, mais une grande part de l’exposition est dédiée à des artistes d’ailleurs, il en va aussi de même pour le commissariat. Quoique je suis plutôt d’accord avec l’idée qu’il est intéressant de présenter un ensemble hétéroclite, hybride, et pas juste du « local ». Je pense aussi qu’une biennale efficace s’intègre d’abord dans son milieu en identifiant ses besoins spécifiques et ensuite en lui injectant une certaine effervescence. C’est à partir de ce bouillonnement qu’une ville et sa biennale peuvent s’imposer comme incontournables sur la scène internationale. Or, j’ai l’impression – et ce n’est qu’une lecture personnelle – que la Biennale de Montréal cherche plutôt à monter des « shows » un peu tape-à-l’œil avec des grands noms, plutôt que de s’arrêter pour examiner avec minutie les différents rôles et fonctions qu’elle peut remplir et de quelle manière elle peut agir efficacement là où elle s’implante.
Eli: Tu mets beaucoup d’emphase dans ton texte pour expliquer comment la mise en exposition peut subvertir ou non un certain impérialisme culturel. Comment perçois-tu la mise en exposition de cette édition ?
Julie: Je crois que malgré cette idée d’une biennale un peu subversive, du moins par sa thématique, la mise en exposition demeure plutôt conservatrice, et je dirais même presque aseptisée. Le choix des artistes représentés demeure dans une « safe zone » : des artistes établis, des noms que nous connaissons, etc. Je pense que ces choix reflètent cette idée d’impérialisme culturel : encore une exposition qui réitère le « bon art » et dans laquelle nous ne sortons pas des sentiers battus. On reste dans le « propre », c’est-à-dire dans une idée de l’art qui demeure celle qui domine.
La Biennale de Montréal 2016
Jusqu’au 15 janvier 2017
Musée d’art contemporain de Montréal
185, rue Sainte-Catherine Ouest
Métro Place-des-Arts
Mardi : 11 h à 18 h, mercredi – vendredi : de 11 h à 21 h et samedi – dimanche : de 10 h à 18 h
En en-tête: Vue d’installation, au MAC lors de la Biennale 2016 à Montréal
Œuvres des Celia Perrin Sidarous et Notte coralli
© Daniel Roussel
ELI LARIN | RÉDACTRICE WEB Eli a complété un DEC en création littéraire, un DEC technique en photographie et une mineure en communication avant de poursuivre sa formation avec une majeure en histoire de l’art à l’UQAM. Elle entame sa première année de la maîtrise en histoire de l’art à Concordia en septembre. Ces différents parcours se rejoignent étonnamment bien à l’intérieur de sa pratique artistique et ses recherches académiques. Ses domaines d’intérêt sont la culture web, la performance du genre féminin dans ce nouvel espace public et les intersections de ces sujets avec l’art contemporain. Ses textes ont été publiés dans la revue Ex_situ et Yiara, et ses photographies dans le magazine Ciel Variable et le blogue d’esse. Pour plus d’articles écrits par Eli Larin, cliquez ici. |