Les grands voyageurs à Diagonale : périple à travers les yeux d’artistes globe-trotteurs

Par Charlie Carroll-Beauchamp

Du 1er septembre au 7 octobre 2017, Diagonale présente son exposition Les grands voyageurs, dont la commissaire est Ann Stouvenel. Le mandat de Diagonale, qui est un centre de diffusion de l’art contemporain, vise la proposition d’œuvres et d’expositions liées à la fibre et au textile, que ce soit en termes de matière ou encore de concept. Mis sur pied en 2004, le centre est issu du Conseil des Arts Textiles du Québec, dans un désir de ses membres de mettre à jour les différents changements considérables qui s’affairaient dans cet organisme existant déjà à ce moment depuis une trentaine d’années.

Diagonale + Mains d’Œuvres – Volet 2
Proposant la thématique du voyage, l’exposition présente les œuvres d’artistes de la scène artistique locale tels que Patrick Beaulieu, Raphaëlle de Groot et Nadia Myre, ainsi que d’artistes internationaux tels que Vincent Chevillon, Éric Giraudet de Boudemange, Kapwani Kiwanga, Eléonore Saintagnan, Sébastien Rémy et Cyril Verde. Ce regroupement d’artistes représente par le fait même l’alliance France-Canada de l’exposition, qui est le deuxième volet d’un projet se déroulant en trois temps, soit en 2016, 2017 et 2018, entre Diagonale (Montréal) et Mains d’œuvres (Paris). Les grands voyageurs est ici le résultat d’une résidence qui promeut la conservation et l’exposition d’œuvres d’art, et qui est effectuée par Ann Stouvenel sur le territoire québécois. Chacun des deux lieux de diffusion artistique vient ainsi investir l’autre, par l’entremise d’une résidence de recherche et d’une proposition artistique dans le pays étranger.

Les grands voyageurs, se sont ces artistes globe-trotteurs qui, à travers leurs périples, nous rapportent des témoignages et des histoires de l’étranger. Ces artistes voyageurs se déplacent jusqu’à nous pour nous présenter les récits de leurs expériences, l’inspiration de leurs escales. C’est à travers l’exposition de leurs œuvres qu’ils rendent compte de l’après-voyage, de la distance qui se créé lors du retour chez soi, laissant ainsi place à un collage et un assemblage des souvenirs fragmentés. Chaque œuvre disposant d’une singularité, c’est dans leur amalgame créé par le contexte de l’exposition que s’articule une thématique du voyage, du nomadisme et de la collecte venant de l’étranger. L’idée même du voyage vient jusqu’ici s’ancrer de façon sensible dans la présente réalité de l’exposition.

Raphaëlle de Groot, La réserve, 2012

Raphaëlle de Groot, image tirée de la vidéo La réserve, 2012, 17 min. 10 s.
Crédits : Charlie Carroll-Beauchamp

L’artiste québécoise Raphaëlle de Groot favorise, à travers ses rencontres avec différentes communautés et divers milieux culturels, des processus qui interrogent des éléments de l’expérience humaine. Se déployant souvent sur plusieurs années, ses projets relèvent d’une démarche artistique qui se définit par des rencontres dans un contexte donné, des actions performatives et de la collecte de données, entre autres. C’est par ce processus créatif que l’artiste redonne une visibilité à des objets usuels : en les extrayant de leur environnement quotidien et en les restituant sous forme d’archives, permettant ainsi un nouveau regard sur la chose elle-même. L’appropriation et l’exposition d’objets ayant appartenu à autrui rappellent la curiosité qu’on peut ressentir face à ce qui nous est étranger, ce caractère inconnu relevant du voyage.

Dans le cadre de l’exposition Les grands voyageurs, la vidéo intitulée La réserve (2012), d’une durée de 17 minutes et 10 secondes, montre l’artiste dans le processus d’assemblage et d’installation de son immense projet Le poids des objets, qui eut lieu de 2009 à 2016. Datant de 2012, la vidéo présentée renvoie à cette période entre 2009 et 2012 où Raphaëlle de Groot invite des gens de divers endroits au Canada, aux États-Unis, au Mexique et en Italie, à lui donner un objet qui ne leur est plus utile, mais dont ils n’ont pas su se départir. De cette démarche découle le récit personnel d’une relation entre l’individu et l’objet qu’il laisse à l’artiste. Cette collection, d’environ 1800 éléments amassés par De Groot, a fait l’objet d’une exposition intitulée Rencontres au sommet, au Musée national des beaux-arts du Québec en 2016. Cela marqua l’aboutissement de ce projet, la fin de ce voyage.

Sébastien Rémy et Cyril Verde, ACME : Écran, 2014

Sébastien Rémy et Cyril Verde, ACME : Écran, 2014, installation, 570 x 275 cm
Crédits : Charlie Carroll-Beauchamp

L’installation ACME : Écran (2014), de Sébastien Rémy et Cyril Verde, est un grand tissu de laine tricotée de 570 x 275 cm. Placé au mur, cet assemblage de divers morceaux de tissus en laine devient un écran sur lequel des films, dont quelques-uns traitant de la thématique du voyage, sont présentés. La laine utilisée pour créer ce tissu tricoté, servant ici d’écran cinématographique, provient de l’île Tristan da Cunha située dans l’océan Atlantique Sud. Cette île est le territoire habité le plus isolé au monde. Les artistes échangent, depuis 2011, avec 47 des 270 habitants de l’île. Ceux-ci constituent le club de tricot de l’île Tristan da Cunha. Rémy et Verde ont demandé à chaque membre du club de s’attribuer un fragment de l’écran à tricoter. Chaque petit bout de laine tricotée individuellement est fusionné en un patchwork, rendant à la fois visible la particularité du travail de chacun, et formant dans son entièreté un écran de projection.

Ces deux œuvres ne sont qu’une partie de l’exposition totalisant neuf installations de ces artistes globe-trotteurs, pour qui le partage d’un univers lointain et inconnu renforce la richesse créative d’influences diverses. L’hétérogénéité des œuvres, nous étant présentée sous une seule et même exposition, renforce ainsi le concept même de la mémoire fragmentée qui renvoie aux souvenirs d’un périple.

Les grands voyageurs
Jusqu’au 7 octobre 2017
Diagonale
5455, avenue de Gaspé, rdc/espace 110
Métro Laurier
Du mardi au samedi de 12h à 17h

En bannière : Vue de l’exposition Les grands voyageurs à Diagonale
Crédits : Charlie Carroll-Beauchamp


Diagonale, artdiagonale, 2017. En ligne. < http://www.artdiagonale.org/en-cours.html >. Consulté le 6 septembre 2017.
Raphaëlle de Groot, Raphaëlle de Groot –artiste en arts visuels, 2016. En ligne. < http://www.raphaelledegroot.net >. Consulté le 6 septembre 2017.

 

CHARLIE CARROLL-BEAUCHAMP | RÉDACTRICE WEB

Charlie est titulaire d’un baccalauréat en histoire de l’art de l’Université de Montréal et présentement candidate à la maîtrise en histoire de l’art à l’UQÀM. À travers ses recherches, elle s’intéresse à l’hégémonie de la vue présente dans les arts visuels, son influence dans l’écriture de l’histoire de l’art, ainsi qu’aux alternatives polysensorielles proposées par certain(e) s artistes contemporains. Son étude de cas porte sur la pratique de l’aveuglement volontaire chez l’artiste québécoise d’art actuel Raphaëlle de Groot. Guide et ambassadrice durant l’édition 2017 du Festival d’art contemporain Art Souterrain, son attrait pour l’éducation l’a pousse à vouloir transmettre sa passion par une approche pédagogique et médiatrice de l’art. Elle affectionne particulièrement le contact avec les gens, ainsi que la possibilité d’échanger et de communiquer sur les diverses pratiques artistiques.

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