« Celle qui continue de donner » : Un aperçu poignant de la pratique de Maria Hupfield à la galerie de l’UQAM

Par Maude Darsigny-Trepanier

La galerie de l’UQAM était bondée le 10 janvier dernier, lors du vernissage de l’exposition « Celle qui continue de donner / The One Who Keeps On Giving », par l’artiste Maria Hupfield, membre de la nation Wasauksing. L’artiste multidisciplinaire et performeuse a offert au public une performance sur la musique de la DJ Electric Djinn qui alliait pour l’occasion tambours traditionnels et beat électro.

La performance

L’exposition commissariée par Carolin Köchling est axée surtout autour des deux médiums de prédilection de l’artiste, soit l’installation et la performance. Le soir du vernissage, Hupfield se traçait un chemin à travers le public dense. Vêtue d’un habit futuriste, elle animait des objets réalisés en feutre (Contain That Force, 2013) et en bois à travers l’espace blanc de la galerie.

Deux installations faites de bois sont placées au fond de la salle principale. Toutes deux permettent à des performances enregistrées sur vidéo d’être projetées, dont une prenant place dans un intérieur anonyme et blanc. Le plan buste est fait sur un corps portant un masque s’apparentant à une cagoule faite de feutre gris, sur laquelle plusieurs clochettes de métal sont cousues. Le visage de l’artiste est complètement couvert. Hupfield bouge la tête de haut en bas et de gauche à droite, de manière à faire sonner les clochettes qui suivent la cadence de ses hochements de tête. Enh Enh Enh Kaa Kaa Kaa (Yess Yess Yess No No No) (2013); comme son nom l’indique, cette vidéo montre à voir le geste de la tête de l’artiste en continu. La vidéo de 9 minutes et 41 secondes joue en boucle dans la galerie et devient presque hypnotique pour le regardeur. La cagoule (Jingle Mask, 2013) est également disposée à côté de l’écran, ce qui permet d’admirer la précision et la délicatesse de l’objet en apparence brute. L’œuvre n’est pas sans rappeler un projet antérieur de l’artiste, Survival and Other Acts of Defiance (2012), présenté au Musée d’art contemporain de Montréal lors de l’exposition « Beat Nation ». Köchling a bien su relever le mandat d’exposer les fragments tangibles des performances de Maria Hupfield sans qu’on ait l’impression d’y voir des archives uniquement.

Vue de l’exposition Maria Hupfield. Celle qui continue de donner,
Galerie de l’UQAM, 11 janvier – 3 mars 2018.
Crédit photo : Galerie de l’UQAM

Une seconde performance a également été offerte au public présent le soir du vernissage. Hupfield s’est jointe au groupe entièrement féminin de tambours traditionnels Odaya (Dayna Danger, Caroline Monnet et Nakah Bertrand) pour performer deux chansons, dont Revolutionary Spy de Noh Mercy[i].

Celle qui continue de donner

La double projection vidéo The One Who Keeps On Giving (2017) est une pièce majeure de l’exposition éponyme. Deux écrans se font face dans une pièce sombre qui prend place au centre de la galerie. Les projections vidéo s’effectuent une à la suite de l’autre, en boucle. Il s’agit de deux performances qui ont eu lieu respectivement à Parry Sound en Ontario – d’où est originaire l’artiste – et à Toronto, à la galerie Power Plant. La caméra statique filme une scène au centre de laquelle Hupfield se tient et montre à voir un tableau peint représentant la baie Georgienne. Ce paysage nautique est en fait réalisé par la mère de l’artiste, Peggy Miller, aujourd’hui décédée. Avec elle, un danseur de pow-wow vêtu d’un regalia performe une danse traditionnelle, une femme porte l’œuvre de feutre Jingle Spiral (2015) et tournoie en faisant tinter les centaines de petites clochettes qui recouvrent la cape de feutre gris et une troisième personne chante en s’accompagnant au tambour. Il s’agit des frères et sœurs de l’artiste qui ont été invités à prendre part à l’une ou l’autre des deux performances.

Vue de l’exposition Maria Hupfield. Celle qui continue de donner,
Galerie de l’UQAM, 11 janvier – 3 mars 2018.
Crédit photo : Galerie de l’UQAM

The One Who Keeps On Giving est une traduction littéraire du nom de la mère de l’artiste. Hupfield cherche ainsi à célébrer l’importance de la famille et l’ancrage au territoire lors de ces deux performances. En choisissant cette scène nautique de la baie, Hupfield se réapproprie le territoire de la nation Wasauksing qui se trouve en bordure du lac Huron. On peut aussi y voir un clin d’œil au Groupe des Sept qui ont abondamment représenté le nord de l’Ontario dans leurs œuvres : « […] le tableau de Peggy Miller [qui est exposé dans la galerie] gagne ainsi en visibilité, mettant de l’avant un point de vue artistique anishnaabe sur le territoire de la baie Georgienne, un sujet autrement traité par différents artistes du Groupe des Sept […]. »[ii].

Vue de l’exposition Maria Hupfield. Celle qui continue de donner,
Galerie de l’UQAM, 11 janvier – 3 mars 2018.
Crédit photo : Galerie de l’UQAM

L’exposition « Celle qui continue de donner / The One Who Keeps On Giving », présentée à la galerie de l’UQAM jusqu’au 3 mars 2018, procure une vue d’ensemble de la pratique artistique de Marie Hupfield. Alliant la performance, l’installation et l’art du textile, cette exposition fait un survol des questions identitaires et politiques qui motivent l’artiste avec des œuvres comme Jimaan (2015), Enh Enh Enh Kaa Kaa Kaa (Yess Yess Yess No No No) et Contain That Force tout en offrant une dimension personnelle et sentimentale avec l’œuvre The One Who Keeps On Giving.

Celle qui continue de donner
Jusqu’au 3 mars 2018
Galerie de l’UQAM
1400, rue Berri (angle Sainte-Catherine Est)
Pavillon Judith-Jasmin, salle J-R120
Mardi 12h-18h
Mercredi 12h-18h
Jeudi 12h-18h
Vendredi 12h-18h
Samedi 12h-18h

En bannière : Vue de l’exposition Maria Hupfield. Celle qui continue de donner,
Galerie de l’UQAM, 11 janvier – 3 mars 2018.
Crédit photo : Galerie de l’UQAM


[i]Une courte vidéo de cette performance est disponible sur Instagram : https://www.instagram.com/p/Bd095GClbUW/
[ii]Carolin Köchling, « La présence anishnaabe et la question des territoires », Maria Hupfield : Celle qui continue de donner, 2017.

 

 

MAUDE DARSIGNY-TREPANIER | RESPONSABLE DE LA RÉDACTION WEB ET GESTIONNAIRE DES MÉDIAS SOCIAUX

Maude a obtenu un baccalauréat en histoire de l’art à l’UQAM et y poursuit sa scolarisation au deuxième cycle. Actuellement, elle est en période de rédaction pour son projet de maîtrise qui porte sur la réappropriation comme geste politique dans l’œuvre de Nadia Myre. Maude cultive un grand intérêt pour les pratiques artistiques politiques et engagées. Son coup de cœur pour les pratiques d’artistes autochtones est né à la vue de l’œuvre Fringe de Rebecca Belmore lors d’un cours universitaire. Employée de l’UQAM depuis 2017, elle travaille comme assistante de recherche auprès de Dominic Hardy. Elle est également bénévole depuis 2 ans à la Foire du papier et se joint à l’équipe de la revue Ex_situ à titre de rédactrice web à l’hiver 2017.

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