Par Élyse Boivin
Cette année, la Place des Arts invite ses visiteurs à découvrir la richesse de la culture nordique, dans le cadre de son festival pluridisciplinaire; Printemps nordique. Il vise à mettre la lumière sur les pratiques artistiques et culturelles des pays nordiques, tels que le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède. Plus de 80 artistes internationaux, 25 performances et 15 activités gratuites sont attendus; pour le plus grand bonheur des amateurs de la culture scandinave.
L’exposition Frimas – La vie et la culture des Sâmes présente les photographies de Fred Ivar Utsi Klemetsen, photographe professionnel d’origine sâme. Journaliste-photographe pour le journal norvégien Bergens Tidende, ses œuvres furent primées à de nombreuses reprises, notamment par la Norwegian Pictures Association. Sa pratique est caractérisée par une approche sociale, voire documentaire; ses photographies se veulent très réalistes par la façon dont elles dépeignent la vie de ses sujets.
Les Sâmes – Peuple autochtone de l’Arctique
Frimas – La vie et la culture des Sâmes nous plonge dans le quotidien des Sâmes, un peuple autochtone de l’Arctique. Leur territoire s’étend du nord de la Suède, de la Finlande et de la Norvège jusqu’à la péninsule de Kola en Russie; obligeant un mode de vie s’adaptant aux conditions extrêmes imposées par le territoire. On distingue deux principaux groupes de Sâmes en fonction de leur situation géographique. Ceux qui vivaient dans les montagnes avaient pour principale activité l’élevage de rennes, contrairement à ceux qui se situaient plus près de la mer pratiquaient la pêche et l’agriculture. Descendant des Sâmes des montagnes du côté de sa mère et de la mer du côté de son père, Klemetsen propose de découvrir, à l’aide de son appareil photo, le mode de vie de ces communautés d’éleveurs de rennes nomades.
Photographies intimistes et images réalistes
J’offre ici d’exposer brièvement quelques œuvres qui illustrent dans l’ensemble la démarche de l’artiste et la vision qu’il exprime dans l’exposition à travers trois notions; l’aspect plus artistique de son travail, le postulat sur la photographie et la démarche sociologique dans ses œuvres.
Fred Ivar Utsi Klemetsen, Tipi, 1992
Photographie noir et blanc
Crédit photo : Elyse Boivin
Cette photographie illustre l’intérieur d’un Lavvo, une forme de tipi que l’on retrouve couramment dans les communautés sâmes. Cette habitation très polyvalente sert ici de fumoir à la viande de renne. Le Lavvo est comparable au tipi de certaines populations autochtones nomades d’Amérique du Nord, notamment par sa forme plutôt conique et son utilisation multifonctionnelle. Il est également possible de visiter l’intérieur d’un Lavvo à même la Place des Arts, dans le contexte du festival Printemps Nordique.
L’œuvre m’a tout de suite charmée par son ambiance lugubre. Le spectateur est porté à se questionner sur la provenance du sujet; il est déstabilisé par l’angle de prise de vue en contreplongée et l’effet de floue provoqué par la lumière diffuse. La photographie témoigne d’un important souci artistique; l’ambiance créée est quasi macabre, provoquant personnellement le spectateur et l’amenant à chercher différents points de repère qui pourraient lui donner certains indices sur la nature du sujet.
Fred Ivar Utsi Klemetsen, Johan Ante Bæer, 1994
Photographie noir et blanc
Crédit photo : Elyse Boivin
Ici, l’artiste s’interroge sur le métier de photographe dans une réflexion sur le choix du moment. En effet, il souligne que cette photographie n’aurait jamais été possible quelques millisecondes plus tard. Le moment représenté est quasi insaisissable puisque tous les éléments sont enlignés pour saisir une scène particulière; c’est-à-dire l’épisode précédant l’instant où le renne est emprisonné par le lasso, celui-ci traçant un magnifique cercle dans le ciel et se dirigeant tout droit sur l’animal. La position de l’homme en mouvement, celle des rennes courant en direction opposée à celui-ci ainsi que le parfait déploiement du lasso dans l’espace sont des éléments qui évoquent la temporalité dans cette photographie.
Fred Ivar Utsi Klemetsen, Anna et Per, 2003
Photographie noir et blanc
Crédit photo : Elyse Boivin
L’œuvre illustre le souci plus social du travail du photographe, car elle démontre le quotidien des Sâmes. Ces photographies s’inscrivent dans la mission de Klemetsen de découvrir ses propres racines à travers la communauté sâme. Ici, l’artiste est invité chez Anna Henriksdatter Buljo Sara et Per Aslaksen Sara; il en profite alors pour les photographier dans leur cuisine. La simplicité du cadrage et la position naturelle des figurants m’ont charmé grâce au côté épuré de la composition. Ce qui m’a véritablement plu de cette photographie est l’honnêteté des expressions faciales. On le constate en observant le visage sérieux, mais naturel de l’homme et le sourire franc de la dame.
Les œuvres présentées dans l’exposition Frimas – La vie et la culture des Sâmes nous transportent dans l’univers captivant des Sâmes et de leur quotidien peu ordinaire. Klemetsen immortalise les traditions de la communauté, le mode de vie des éleveurs de rennes et le travail qui s’ensuit. Il présente également des portraits intimes qui témoignent d’une grande beauté et qui nous permettent, l’espace d’un instant, de connaitre la réalité des peuples autochtones de l’Arctique.
Frimas;
Jusqu’au 29 mars 2018
L’espace culturel Georges-Émile-Lapalme de la Place des Arts
Métro Place des Arts
9h am à 11h pm
En bannière : Vue rapprochée de l’exposition Frimas – La vie et la culture des Sâmes
Crédits : Elyse Boivin
ELYSE BOIVIN | RÉDACTRICE WEB ET CORRECTRICE Elyse Boivin termine son baccalauréat en histoire de l’art à l’UQAM et y poursuivra ses études aux cycles supérieurs. Elle se passionne d’histoire et l’approche sociologique est au cœur de ses aspirations; en particulier les enjeux entourant l’avant-garde artistique russe. Ouverte sur les autres cultures, cet intérêt la souvent menée à explorer divers pays. De ce fait, elle a pu visiter quantité de musées qui n’ont cessé de faire croitre sa curiosité. Notamment en ce qui concerne les pratiques artistiques méconnues, telles que l’art exercé par les natifs hawaïens. De surcroit, la photographie actuelle a toujours été l’une de ses principales attaches; ayant déjà elle-même expérimenté le médium. Elle participe à la revue Ex_situ en tant que correctrice depuis novembre 2017 et en tant que rédactrice depuis février 2018. Pour plus d’articles écrits par Elyse Boivin, cliquez ici. |