Par Hanieh Ziaei
L’exposition Nœud de Parisa Rajabian, qui prend place durant le Festival Accès Asie, questionne la polysémie implicite du nœud, en nouant et en dénouant les définissions éphémères aux prises avec nos constantes introspections existentielles. L’artiste nous invite à un dialogue intérieur avec nos propres nœuds multiples et contradictoires, nos tentatives intimes de délivrances et réclusions tant psychiques que physiques.
De l’aube existentielle au crépuscule de la finitude, le premier nœud tissé semble être le cordon ombilical qui nous lie et nous rattache à l’essence originelle qui finira par se rompre. Cette vie ne semble tenir qu’à un fil dont la pulsion persiste dans le tissage de l’être jusqu’à le métamorphoser en une corde à la fois fébrile et solide. La corde à 13 nœuds qui servait jadis à tracer les plans au sol pour définir la symétrie des édifices devient, à travers la conceptualisation singulière de l’artiste, la corde à mille et un nœuds.
Polymorphe, le nœud constitue concurremment ce lien qui nous emprisonne, nous contraint, nous aliène, nous mène funestement au bout d’une corde, mais paradoxalement, nous sauve, nous rassemble et nous propulse à habiter le monde.
Parisa Rajabian, Noeud, 2018.
Technique mixte
30 x 40 cm
Le monde auquel nous convie Parisa Rajabian se donne à voir par l’exploration de trois espaces distincts : la peinture, l’installation murale et l’art vidéo – avec une recherche conceptuelle derrière chacun des médias déployés. Avec l’installation murale composée à la fois d’objets, de photographies et l’introduction de l’écriture, l’artiste joue avec les fils, se risque entre le nouement et le dénouement, entre le possible et l’impossible, et navigue entre la conscience et l’inconscience.
Le recours à la peinture et l’utilisation de radiographies questionnent le corps et rendent visible l’invisible : nous faisant passer de la douleur au soulagement, de la blessure à la guérison, de la fracture à la soudure. Cette représentation de l’invisible nous rappelle que ce qui n’est pas visible n’est pas forcément inexistant comme la douleur (physique et psychique), l’inquiétude et l’angoisse voire tout simplement l’hésitation ou le chagrin d’amour…
L’art vidéo quant à lui vient sublimer la narration entreprise par le fil qui témoigne à son tour de la présence de nœuds multiples de ce corps pensif et pensant, en entreprenant un dialogue intime avec lui. Le corps devient alors non seulement l’autel où s’expriment tous les états d’âmes mais aussi la marque ou encore le stigmate des expériences passées.
Parisa Rajabian, Noeud, 2018.
Technique mixte
30 x 40 cm
Par ce va-et-vient entre son univers imaginaire fantaisiste et le monde réel, Parisa Rajabian se nourrit de sa vie quotidienne et des traces identitaires de son pays d’origine : l’Iran.
Sans crainte, sans tabou, sans autocensure, libéré désormais de toutes normes et codes sociaux, le nœud de l’être semble symboliser pleinement un élément déterminant de la chaîne d’union qui noue l’existence humaine. Le nœud, ne serait-il au final qu’un jeu, un prétexte, une tentation, une chute, un temps d’arrêt pour permettre d’ouvrir ce corps, de l’explorer et de lui donner la possibilité d’exprimer sans contrainte ses filages pluriels et paradoxaux ?
Nœud
Jusqu’au 27 mai 2018
Dans le cadre du Festival Accès Asie
Galerie MEKIC
4438, rue de la Roche
Métro Mont-Royal
Mercredi au dimanche de 12h00 à 17h00
En bannière : Parisa Rajabian, Noeud, 2018.
Technique mixte
30 x 40 cm
HANIEH ZIAEI | RÉDACTRICE WEB Dans le cadre de ses recherches en sociologie de l’art et de la culture, Hanieh Ziaei travaille sur le croisement et l’articulation entre l’art, la culture et la société avec un intérêt particulier porté à la question de la censure en arts, de la résistance créative des artistes et de l’expression artistique des artistes en exil. Elle s’intéresse au contre-pouvoir des artistes et aux dimensions politiques et sociales de l’art contemporain. De par sa triple culture aux carrefours de Montréal, Bruxelles et Téhéran, elle s’est engagée à rendre davantage visible les artistes dits de la diversité culturelle – avec une spécialisation sur la pratique des artistes iraniens. Elle est également chercheure en résidence à l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (OMAN) de la Chaire Raoul-Dandurand à l’UQÀM et membre du Cercle des Chercheurs sur le Moyen-Orient (CCMO) à Paris et du Centre d’Études de la Coopération Internationale et du Développement (CECID) de l’ULB à Bruxelles. Pour plus d’articles écrits par Hanieh Ziaei, cliquez ici. |