Mi-lieu : créations pluridisciplinaires et espaces partagés à l’Écomusée

Par Elyse Boivin

L’Écomusée du fier monde a accueilli, du 15 février au 25 février 2018, l’exposition Mi-Lieu. Le projet rassemblait, dans de petits groupes ; un chargé de cours, des étudiant.es en arts visuels de l’UQAM ainsi que des étudiant.es en histoire de l’art. Chacun devait coopérer dans un espace commun de création, apportant une multitude de réflexions.

Un dialogue entre artistes émergents et chargés de cours de l’UQAM

Ce projet est le fruit d’une collaboration entre l’Écomusée du fier monde et la Faculté des arts de l’UQAM, où élèves et chargées de cours sont invités à collaborer dans un espace partagé. Le partenariat donne naissance à des œuvres insolites, qui semblent imprégnées par l’aspect historique des lieux. Il offre l’opportunité à des artistes de présenter leur propre vision du mandat de l’Écomusée, qui consiste notamment en la mise en valeur des thématiques du travail et de l’engagement citoyen.

Situé dans l’ancien bain public Généreux, le musée m’a d’abord charmé par son architecture spectaculaire, avec son haut plafond baigné de lumière naturelle. Il est possible d’y apercevoir, dans l’exposition permanente de l’établissement, les vestiges d’une époque marquée par les impacts de l’industrie, sur les conditions de vie et de travail. Grâce aux différents panneaux informatifs, j’ai pu en apprendre davantage sur l’histoire et la situation des familles ouvrières du quartier du Centre-Sud qui, je dois l’avouer, ne m’était pas tout à fait familier. C’est en parcourant les espaces réservés aux groupes d’artistes qu’il fut possible d’explorer de multiples perceptions, concernant les préoccupations sociales et historiques du musée. En voici quelques-unes.

Nicole Milette et Christian Molina, Des ancêtres du Fier monde, 2018.
Photo numérique à partir de ferrotypes sur papier Hahnnemühle 10 ½ po X 19 po
Crédit photo : Elyse Boivin

Hommage aux habitants du quartier Centre-Sud

Dans cet espace partagé par Nicole Milette et Christian Molina, il est question d’un hommage aux ancêtres, par le biais d’une célébration du quotidien. L’installation m’a séduite au premier coup d’œil; elle est formée de différentes photographies ferrotypes numérisées, tirées des archives familiales de Milette. Elles sont placées sur une corde à linge, rappelant alors leur omniprésence dans les anciens quartiers ouvriers de Montréal. Chaque corde de l’installation représente une génération de l’arrondissement du Centre-Sud; en haut celle des arrière-arrière-grands-parents de l’artiste, vers 1850-1875 et en bas celle de ses arrière-grands-parents, vers 1875-1900. Les photographies agissent comme témoins directs du passé, en lien avec les préoccupations de l’Écomusée.

Dominique Sarrazin et Maria Hoyos, Art-hier-goût, 2018.
Sucre sur bois/ Acrylique et psaligraphie sur papier gaudron
Crédit photo : Elyse Boivin

Un travail d’archives, à la manière de cartographes

Cet espace, occupé par les artistes Dominique Sarrazin et Maria Hoyos, fait ressurgir le souvenir du nom donné au quartier ouvrier du Centre-Sud d’autrefois : « le Faubourg à m’lasse ». Les familles ouvrières, étant trop défavorisées pour se payer du sucre, consommaient en effet de manière excessive la mélasse, attribuant ainsi au secteur ce surnom. L’œuvre de Sarrazin et Hoyos affirme l’intention de faire revivre cette mémoire, en effectuant un travail de cartographie à partir d’archives, afin de reprendre le tracé du faubourg. Le déploiement hors cadre des matériaux exprime la prise en considération de l’environnement autour de l’œuvre, de façon à inviter le spectateur à occuper l’espace. De plus, des cubes de sucres utilisés par Hoyos et les formes ciselées dans le papier par Sarazin, pour illustrer l’écoulement de la mélasse, sont de brillants rappels à l’idée initiale du projet. Somme toute, ces matériaux sont choisis pour leurs propriétés esthétiques, mais également conceptuelles; justifiant alors la cohérence de l’œuvre en regard de la symbolique du sujet.

Denis Rioux, Guillaume Desrosiers Lépine et Éliot B. Lafrenière, Entre ancrage et dérive, 2018.
Vue sur l’installation
Crédit photo : Elyse Boivin

Des œuvres multidisciplinaires

Dans une installation commune de Denis Rioux, Guillaume Desrosiers Lépine et Éliot B. Lafrenière, différents médiums ont été rassemblés selon leurs qualités formelles. Ce projet vise à questionner la limite entre la matérialité et l’objet dans les formes visuelles. Ainsi, les œuvres présentées expriment une complexité du détail aux apparences déstabilisantes. C’est le cas des photographies de buissons de Rioux, où le regard se voit déstabilisé par la position horizontale des œuvres venant, par le fait même, dynamiser l’espace. Les photographies de Lafrenière, quant à elles, ajoutent un contraste pertinent à l’ensemble de l’œuvre. Elles sont caractérisées par une pâleur excessive, qui s’oppose à l’éclairage intense de l’ensemble de l’installation. C’est d’ailleurs avec les œuvres peintes de Desrosiers-Lépine que l’ensemble de l’œuvre s’avère impressionnante; elles ajoutent une matérialité et des qualités formelles complémentaires au travail photographique de Rioux et Lafrenière.

Les groupes d’artistes touchent alors à différents médiums comme la photographie, l’installation, la vidéo ou encore la sculpture. Essentiellement, les œuvres proposent diverses visions en lien avec la mission de l’Écomusée, permettant ainsi aux différents publics d’y trouver leur compte.

Le catalogue de l’exposition, rédigé par les étudiants du département d’histoire de l’art de l’UQAM, paraîtra également au courant de l’année.

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Mi-lieu
Écomusée du fier monde
2050, rue Amherst, angle Ontario
Métro Berri-UQAM
Lundi – mardi : fermé
Mercredi : 11h à 20h
Jeudi – vendredi : 9h30 à 16h
Samedi – dimanche : 10h30 à 17h

En bannière : Vue rapprochée de l’œuvre de Nicole Milette et Christian Molina, Des ancêtres du Fier monde, 2018.
Crédit photo : Elyse Boivin


 

ELYSE BOIVIN | RÉDACTRICE WEB ET CORRECTRICE

Elyse Boivin termine son baccalauréat en histoire de l’art à l’UQAM et y poursuivra ses études aux cycles supérieurs. Elle se passionne d’histoire et l’approche sociologique est au cœur de ses aspirations; en particulier les enjeux entourant l’avant-garde artistique russe. Ouverte sur les autres cultures, cet intérêt la souvent menée à explorer divers pays. De ce fait, elle a pu visiter quantité de musées qui n’ont cessé de faire croitre sa curiosité. Notamment en ce qui concerne les pratiques artistiques méconnues, telles que l’art exercé par les natifs hawaïens. De surcroit, la photographie actuelle a toujours été l’une de ses principales attaches; ayant déjà elle-même expérimenté le médium. Elle participe à la revue Ex_situ en tant que correctrice depuis novembre 2017 et en tant que rédactrice depuis février 2018.

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